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- Alphonse Toussenel
Classification pédiforme de la volatilie
- Extraits du Monde des oiseaux.
- 1803, mort à Paris en 1885. Ayant lu les ouvrages de Fourier, il devint un enthousiaste
partisan de ses idées, se rendit à Paris (1838) et y devint rédacteur en chef du
journal la Paix, puis prit part à la fondation de la Démocratie pacifique,
organe du système phalanstérien. Après 1848 il fit partie de la commission du travail
instituée au Luxembourg, et publia avec F. Vidal le journal le travail affranchi.
Il est surtout connu pour ses travaux sur les animaux et sur la chasse, pleins
daperçus piquants, et de causeries fantaisistes, écrites dun style familier
et gracieux. Son principal ouvrage est lEsprit des bêtes, vénerie française et
zoologie passionnelle (1847). Citons encore : le Monde des oiseaux ; Tristia,
histoire des misères et des fléaux de la chasse en France (1863). (Larousse)
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- Introduction
- L" Loiseau est, en effet, de tous les êtres parlants le
premier qui ait dit : Le bonheur des individus et le rang des espèces sont en raison
directe de lautorité féminine... et inverse de la masculine. En ornithologie
passionnelle, nous appelons cette formule la Formule du Gerfaut. La formule du
Gerfaut contient toute la science de toute lhistoire de lavenir... plus celle
du passé... plus la solution immédiate et radicale de toutes les questions épineuses
auxquelles cette pauvre humanité se déchire depuis six mille
ans. "
- Des 1700 pages in-8 du Monde des Oiseaux, Ornithologie Passionnelle nous
navons retenu que le système de classement passionnel. Toussenel mélange
allègrement la poésie, lhistoire, les descriptions scientifiques et les anecdotes,
rebelle à tous les systèmes, de classification ou de gouvernement, au fil des pages la
plume a des ailes...
- Dans les premiers chapitres pêle-mêle, du mystère :
- " Castagno, mon chien braque, le même qui se ruina le
cur à force de se meubler lesprit, ne voulait voyager quen
lapin. "
- du fantastique :
- " Lanalogie, qui est la mère de la poésie et de la
science, a représenté longtemps aussi cette métamorphose comme limage de
limmortalité de lâme et de la transition des misères de la vie terrestre
aux délices de la vie ultra-mondaine. Je regrette de nêtre pas libre de
mexpliquer à fond sur cette question intéressante ; métant solennellement
juré de garder pour moi tout ce que je savais des ravissements sans fin de lautre
vie, et ne voulant pas quon maccusât de pousser les populations au
suicide. "
- des apercus piquants :
- " Jai trouvé plus dune fois de splendides
volières admirablement meublées dans des villas charmantes habitées par des épiciers
en retraite, anomalie qui sexplique par lhabitude quont les gens de
cette classe de prendre femme au-dessus deux. "
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- et des maximes gastrosophiques :
- " La France est le seul pays dEurope où lon mange,
parce que la France est le seul pays dEurope où le gibier-plume aime à être
mangé. "
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- Pour les trois premiers ordres, Toussenel est très rigoureux mais pas très
enthousiaste, pas de grandes difficultés... Le grand uvre (le second volume) sera
de remettre de lordre chez les Passereaux. Dans le troisième volume consacré aux
Rapaces, Toussenel se déchaîne dans la guerre éternelle du bien et du mal (certaines de
ses Analogies demanderaient trop de prétéritions pour être imprimables à notre
époque)
- Après la genèse de ses travaux de classificateur, il décrit au physique et au moral
les espèces françaises correspondantes, se défendant de parler despèces
quil na pu étudier. Nous nen avons cité que quelques extraits un peu
" hors cadre ". Toussenel arrive à arriver au nombre harmonique de
douze ordres en comptabilisant les trois sous-ordres de la Sédipédie, mais toujours
comme le sixième ordre.
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- Lespremiers chapitres concernent la Psychologie de lOiseau et toutes les
citations de cette introduction en sont extraites!...
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- "...Là est en effet le dernier mot de la science économique, le guide-âne des
gouvernements, le commencement de la fin du règne de lusure, le point de départ de
lutopiste pour le voyage dHarmonie. Je ne connais pas de problème de
géométrie ou déconomie sociale dont la solution, de près ou de loin, ne découle
de la formule du Gerfaut... Jappuie ici sur le danger de lengouement général
pour les sciences inférieures, comme lastronomie purement géométrique,
parce que cet engouement a pour conséquence habituelle le dédain des sciences supérieures.
Or, la science supérieure, celle dont nous avons le plus besoin, est la science qui
nous apprend à marcher dans la voie de nos destinées, et à dépenser de la manière la
plus avantageuse et la plus agréable les cent quarante-quatre ans que la nature nous
donne de temps à autre à vivre sur cette terre. Dici à ce que nous connaissions
le procédé, nous navons que faire de la science de luxe qui nous enseigne que les
antipodes marchent la tête en bas et les pieds en lair, et que notre globe est un
fort toton qui pirouette dans lespace avec une vélocité inconvenante. Dieu
sest ouvert, il y a deux mille cinq cents ans, à Pythagore sur le carré de
lhypoténuse, et, quelques siècles plus tard, il a révélé à Archimède le
secret de la pesanteur spécifique des corps. Or, je demande ce quil est advenu pour
le bonheur de lhumanité de cette double confidence qui na pas empêché le
monde antique de rétrograder mille ans après de Civilisation en Barbarie et de Barbarie
en Patriarcat. Je demande quand viendra le jour où la science du nécessaire aura enfin
le pas sur celle du superflu dans les conseils des hommes ! "
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- " En effet, lair étant le plus variable et le plus mobile des
éléments, loiseau a dû recevoir de la nature un don de sensibilité universelle
qui pût lui fournir les moyens dapprécier et de pressentir les plus minimes
perturbations du milieu quil habite. Aussi tous les volatiles sont-ils armés
dune impressionnabilité nerveuse qui résume les diverses propriétés de
lhygromètre, du thermomètre, du baromètre et de lélectroscope. Le lièvre,
qui sait la veille le temps quil fera le lendemain, et le rhumatisme goutteux, qui
procure au vieux guerrier lagrément de prévoir ses douleurs, ne jouissent que
dune sensibilité obtuse en regard de celle de loiseau. Jamais tempête qui
surprend le baromètre du savant et la barque du pêcheur na surpris loiseau
de mer. Les fous, les cormorans, les goélands et les mouettes sont instruits quarante
heures à lavance, par la voie du télégraphe électrique qui gît en chacun
deux, du jour et du moment précis où lOcéan doit entrer en ses grandes
colères, entrouvrir ses abîmes verdâtres, et cracher au front des falaises
lécume de ses flots. Et le même avertissement qui ramène à la côte la masse des
fuyards va réveiller en sa demeure souterraine la noire satanite, lépouvantail du
marin, sinistre messagère des naufrages qui aime à se mirer dans le sillage du navire en
détresse, et qui redevient invisible aussitôt que la tourmente a cessé. Tel oiseau est
chargé de prédire le printemps et tel autre lhiver. Le coq de basse-cour, vivante
horloge des champs, sonne régulièrement certaines heures du jour et de la nuit ; ce qui
nétait pas une raison suffisante pour en faire un emblème religieux de vigilance
et pour le jucher au haut des cathédrales où la tête lui tourne. Le corbeau et le
rossignol annoncent lapproche de lorage par une expression particulière
quils semblent avoir empruntée tous les deux au vocabulaire de la grenouille, une
créature éminemment nerveuse qui a beaucoup contribué à fonder la science du
galvanisme. Le pinson, qui fait si volontiers élection de domicile sur les pommiers des
grandes routes du Nord et dans les vergers attenant à lhabitation de lhomme,
a lair de navoir adopté ces deux postes que pour exercer plus commodément sa
mission charitable. Cette mission consiste à annoncer le beau temps par sa ritournelle
triomphale, et le mauvais par une note attristé et plaintive. Quand le temps nest
pas sûr, le pinson recommande au voyageur de prendre son parapluie ; il retient la
ménagère imprudente de se hâter détendre sa lessive. "
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- "La preuve que les éruptions des volcans daujourdhui nont pas
dautres causes que les infiltrations des eaux, est attestée par dinnombrables
faits. Dabord tous les volcans sont situés dans les îles ou près des rivages des
mers ; ensuite toutes les éruptions et tous les tremblements de terre qui les
accompagnent sont invariablement précédés du tarissement des puits et des sources du
voisinage. On en connaît enfin dont léruption est mensuelle et réglée par les
marées de lune et qui gardent leurs grandes colères pour les syzygies de
léquinoxe. Disons à ce propos quil est à regretter que lhomme
nait pas songé encore à boucher hermétiquement les fissures ci-dessus, attendu
que cette opération grandiose aurait non-seulement pour effet de guérir radicalement le
globe de ses éruptions volcaniques et de ses tremblements de terre qui sont des maladies
très-graves, mais quelle aurait encore le précieux avantage de prolonger la durée
de son existence dans dincalculables proportions, car les volcans sont les agents
les plus actifs de la calcination des globes. Tout le monde sait que la Lune est morte,
mais tout le monde ne sait pas que ce sont ses volcans qui lont tuée en lui buvant
son eau. Vous ne trouveriez pas à lheure quil est sur toute la surface de
notre infortune satellite de quoi rafraîchir un moineau. "
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- [Toussenel se déclare incapable de] " ...dresser le tableau du clavier
passionnel humain, et par suite de classer toutes les bêtes analogiquement, cest-à-dire
par rapport au type supérieur, rien nempêchait cet homme de bon vouloir de
classer ces êtres méthodiquement par rapport à eux-mêmes. Si le travail
de la classification analogique et universelle était une tâche herculéenne, celui de la
classification spéciale pouvait nêtre quune uvre simplement difficile,
mais non pas hors de la portée dune intelligence saine. Et même la formule du
Gerfaut, qui relève de la méthode passionnelle, et qui distribue les espèces par rang
de galanterie, men disait tout autant que javais besoin den savoir pour
déterminer les bases dune classification méthodique acceptable.
- Il est certain, en effet, que du moment que la question de la classification devient une
simple question de préséance et détiquette, la principale difficulté de
lopération disparaît, puisquil suffit des yeux du corps pour voir qui tient
la tête dans une cérémonie. "
- et donc : " Ainsi, tous les oiseaux Nageurs, Barboteurs et Coureurs posent
sur des pieds plats, et cette forme du pied est le signe débauche auquel se
reconnaissent les espèces primitives, grossières, inachevées.
- Et lOrgigamie est la loi de ces tribus sensuelles, lOrgigamie honteuse, qui
est le plein essor des péchés capitaux et qui étouffe dans leur germe les inspirations
du génie. Pas damour, partant pas de joie, pas de nids merveilleux, de
poésie ni de chants.
- Et, chez limmense majorité de ces espèces, le mâle est incomparablement plus
fort, mieux vêtu, mieux armé que lhumble et docile femelle, à qui le Créateur a
réservé le privilège du dévouement et des autres vertus domestiques. Et le mâle abuse
odieusement de sa supériorité physique pour écraser la pauvre mère, et le genre
masculin y est dit plus noble que le féminin, comme dans le rudiment.
- Ainsi, tout ce qui vit de poisson mort, trône sur le fumier ou patauge dans la fange ;
tout ce quil y a de plus épais, de plus informe, de plus goulu, de moins aérien
dans les habitants de lair, est pour la formule de Lhomond.
- Ainsi, tout moule inférieur, déshérité du mobile damour, est voué fatalement
aux voluptés immondes et jeté en pâture à la goinfrerie et à la fainéantise, mères
de lobésité qui conduit à la broche !
- Et Dieu, en frappant cette vile plèbe de linterdit damour, la du
même coup condamnée au supplice du feu éternel (rôti) !
- Triste fin, expiation terrible dont lhomme na pas droit de se plaindre, mais
qui me fait trembler pour lavenir dun tas damoureux fous de la muse
latine, à qui le sort de lOie, du Dinde et du Canard ne donne pas assez à penser.
- Ainsi se trouve démontrée dune façon irréfutable, par létude des trois
ordres des Nageurs, des Barboteurs et des Coureurs, cette proposition importante que la
supériorité du mâle est caractéristique des races inférieures dans la Volatilie.
- Or, la logique déclare quil est absolument impossible darriver à cette
conclusion chez loiseau sans la faire jaillir en même temps du principe absurde et
barbare de la toute-puissance de la barbe chez lhomme.
- Attendu que chaque création inférieure est un essai de la création supérieure, et
que lOiseau annonce lHomme comme lHomme annonce la Femme, comme la Femme
annonce lAnge. "
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