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François Fournier de Pescay 1771-1833 Les Cas rares extrait du dictionnaire des sciences médicales 1813
CAS RARE - Le mot cas, dans le sens médical, emporte une idée disolement quil est bien plus facile de concevoir et dapprécier, lorsquon a lhabitude de lobservation clinique, quil nest aisé de le définir grammaticalement, et de manière à bien peindre la chose que ce mot exprime, dans les discours ou sous la plume du médecin. Ce nest point à la faveur dune convention dénuée danalogie, que ce mot sest introduit dans le langage médical : en traitant dune affaire quelconque, on lemploie pour arrêter lattention sur une chose dune certaine importance; les mémoires historiques rapportent que Louis xiv, dont lesprit était doué dune grande perspicacité pour les affaires, avait lhabitude, lorsquon lui rendait compte de différents faits administratifs, politiques ou militaires, de dire de celui qui lui semblait digne dun examen ultérieur, cest un cas. De même, en médecine, un cas est une affection ou remarquable ou inopinée, qui fixe lattention, soit par elle-même, soit relativement à lindividu chez lequel elle est développée. Cest une maladie particulière, ou bien cest une circonstance survenue dans une maladie ; cest un accident qui sy joint, qui vient augmenter lintensité du mal primitif, mais sans lequel, pourtant, cette maladie naurait pas laissé voir sa forme et ses périodes ordinaires. Le mot cas présente une foule dabstractions ; et, pour rendre sa définition plus lucide, nous allons citer quelques locutions médicales dans lesquelles il semploie. On dit dun cas quil est pathologique, pour exprimer un état qui tient à la lésion de nos organes, ou à laltération de nos fonctions. Lorsquil est question dun phénomène particulier à nos fonctions, à notre organisation, dans létat de santé, alors le cas est physiologique. Nous appelons cas grave les accidents qui se joignent à une maladie et menacent la vie ; un phénomène, un épiphénomène, dès quils établissent un pronostic fâcheux, sont des cas graves. Ainsi, le hoquet, dans la fièvre adynamique, surtout lorsquil survient le onzième jour ou plus tard encore, est un cas grave. Lictère se compliquant avec une plaie capitale darme à feu, étant généralement un phénomène mortel, reçoit le nom de cas grave. Nous disons quun cas est chirurgical lorsquil réclame le secours de la main ; et le médecin quon appellerait auprès dun homme qui, par suite dune rétention durine, éprouverait une fièvre ardente, des convulsions, du délire ; ce médecin dirait : le cas est chirurgical, il faut que le malade soit cathétérisé. Il est en médecine des cas vulgaires qui semblent, pour ainsi dire, être prévus par lart, bien quils naccompagnent pas constamment la même mala-die : rien nest plus ordinaire que de voir le délire survenir dans la fièvre adynamique, dans beaucoup de fièvres sporadiques ; mais ces maladies, sans être accompagnées de ce phénomène, nen seraient pas moins chacune des affections sui generis. Lorsque dans la maladie, il arrive spontanément des circonstances intempestives, extraordinaires, qui excitent notre étonnement et mettent quelque fois notre expérience en défaut ; lorsque dans létat physiologique, nous remarquons des irrégularités notables dans les fonctions ou dans les actions vitales, ces cas sont appelés rares. On comprend, en anatomie, en physiologie et en médecine, sous cette dénomination, toutes les anomalies qui sortent de lordre auquel nous sommes accoutumés ; et avec lesquelles lindividu qui en fournit lexemple vit, lorsquelles devraient être des causes de mort ; tandis que dautres fois elles tuent, alors que rien ne semble menacer la vie ; qui sans même être des monstruosités, sont en contradiction avec lorganisme animal et paraissent nexister que par une sorte de prodige, par un écart de la nature qui, pour les produire, veut bien déroger à ses lois habituelles ou les intervertir. Ainsi, lhomme qui vit des mois entiers, des années même, sans manger, offre le spectacle dun cas rare : pareillement, celui qui ne boit ou ne dort jamais : de même celui qui digère sans rendre dexcréments par la voie naturelle. Tous ces phénomènes, pour lordinaire destructeurs de la vie, ici se concilient avec elle. Cest un cas rare que celui dun individu qui éprouve une hémorragie par le nez ou par loreille, les poumons, lestomac, ou lanus, à lapproche de certaines circonstances atmosphériques, ou bien, régulièrement, à la suite de profondes affections morales. Cet espagnol incombustible qui sest montré en spectacle, il y a quelques années, dans toutes nos grandes cités, nétait point un être surnaturel ; dautres hommes pourront arriver comme lui à ce degré dinsensibilité qui les rendra inaccessibles, pour un temps donné, aux effets du feu, comme on en voit qui sisolent de ceux de lélectricité ; mais pour obtenir quelques succès dans les épreuves qui conduisent à lacquisition de cette propriété si développé chez lespagnol en question, il faut être préparé par des facultés organiques que la nature refuse à la généralité des animaux. Les cas rares le sont individuellement ; mais il en est dune foule despèce : quelques exemples vont prouver cette proposition. On range parmi ces cas, la pousse des dents nouvelles chez les vieillards, et même lorsquelle a lieu dans un âge qui excède de beaucoup celui que la nature a marqué pour cette opération. Cest aussi un cas rare lorsque le travail de la dentition sest fait avant lépoque accoutumée, comme cela se voit chez les enfants qui naissent avec une ou plusieurs dents ; et chez dautres qui, avant lâge de quatre ans, ont leur râtelier complètement garni, signe irréfragable de la brièveté de la vie. Une nouvelle pousse de cheveux et de poils, ornés des belles couleurs de la jeunesse, est, chez les vieillards, un cas rare. De même la menstruation prolongée fort au-delà du terme commun ; par exemple, à soixante ans, comme je lai observé chez une dame qui, à cet âge, était réglée, comme on lest à vingt-cinq ans. La conception à lâge de plus de cinquante ; celles extra-utérines, ainsi quon en voit dans la vessie, le rectum, dans les trompes de la matrice, dans lovaire, dans la cavité abdominale ; lenfant enveloppé de membranes adhérentes à quelques viscères ; celles plus rares, où, nourri dans la cavité abdominale, lenfant est entièrement nu, et le placenta se trouve adhérent à lun des viscères abdominaux. Les superfétations quil nest guère permis aujourdhui de révoquer en doute. La privation de lanus ; la déviation de lintestin rectum, qui se débouche dans le vagin ou dans la vessie ; et le manque absolu de cet intestin. Labsence des mamelons aux mamelles des femmes ; celles qui sont multimames, comme létait linfortunée et belle Anne de Boulen, laquelle avait aussi un sixième doigt à chaque main. La menstruation pendant la gestation. La femme qui na jamais eu ses règles, bien que jouissant dune bonne santé ; et celle qui ne les a que pendant la gestation, et chez laquelle cette évacuation est un signe certain quelle est fécondée. Lacéphale, certaines hydrocéphalies ; la privation de la barbe, des poils aux parties génitales et aux aisselles ; un visage féminin garni dune barbe aussi forte que chez lhomme le plus velu ; la cécité de naissance ; la surdité et le mutisme de naissance ; la couleur des albinos et des hommes bleus, grossissent la liste des cas rares. Cette liste sétendra bien davantage en y ajoutant la faculté de vomir sans le secours dun agent mécanique et par le seul pouvoir de la volonté. Limperforation du vagin, celle de la vulve, celle de lanus, du prépuce, de lurètre, lhypospadias. La faculté dont sont doués quelques individus de digérer comme les gallinacées : lappétit insatiable de ces polyphages qui les rend aptes à consommer dix fois et plus la nourriture nécessaire à un homme ordinaire. Le singulier pouvoir au moyen duquel nous voyons quelques personnes verser des larmes à volonté ; de même que celui, non moins étonnant dont sont revêtues celles qui dorment et séveillent lorsquelles le veulent : à tous ces cas rares, se joignent encore la faculté dont on a vu jouir des hommes qui entraient en érection et la faisaient cesser à commandement ; léjaculation spermatique sans plaisir, et même dans le coït ; le pouvoir de maîtriser son imagination au point de sopposer au paroxysme dune affection nerveuse. Cest ainsi quon voit des épileptiques, alors quils sentent les symptômes précurseurs dun accès, rassembler toutes les forces de leur volonté pour lui résister, et finir enfin par sen préserver sans le secours de lart, beaucoup moins efficace, en pareil cas, que la volonté nest puissante. Une fièvre intermittente semblable à celle que Lomnius a vu durer vingt ans ; celle, plus étonnante encore, que Valescus de Tarenta, médecin de la faculté de Montpellier, conserva toute sa vie, doivent prendre place parmi les cas les plus rares. Hippocrate, dans ses Epidémies, nous a transmis lhistoire dun cas rare, dans lobservation quil rapporte de la femme dEpicrate : elle accoucha trois jours après linvasion dune fièvre erratique, laquelle ne se termina quau bout de quatre-vingts jours, ayant constamment conservé tous les caractères dune maladie aiguë. La fièvre irrégulière quéprouva Cléonacte, peut aussi se ranger parmi les cas rares : Hippocrate rapporte, dans le traité cité plus haut, que cette maladie dura soixante jours consécutifs ; elle fut accompagnée de tous les phénomènes qui caractérisent les fièvres essentielles. Au soixantième jour, il y eut une intermission de dix jours, puis un accès ; nouvelle intermission de dix jours, et, le quatre-vingtième jour, un dernier accès termina la maladie. Dautres cas rares sont la nubilité chez les filles de six ou sept ans : la conception chez de pareils enfants et même chez ceux qui, dans nos climats, ont moins de douze ans ; la puberté précoce de quelques petits garçons qui ont engendré à neuf, dix et onze ans. La puberté tardive, comme on la vue ne se manifester quà lâge de cinquante ans chez un homme qui offrait lexemple dune longévité de cent soixante-quinze années. La seconde puberté qui se développe quelquefois de vingt-cinq à trente ans et même plus tard ; phénomène, pour lordinaire, dû au pouvoir dun amour nouveau, ardent, impérieux, qui change la vie physique, la recrée, pour ainsi dire, comme il opère des prodiges sur la vie intellectuelle. Le visage se couvre dune barbe plus épaisse, la poitrine, les épaules se garnissent de beaucoup de poils ; ces parties restées grêles, acquièrent tout à coup des dimensions athlétiques ; lesprit prend un nouvel élan, et ses conceptions sont plus lucides, plus fortes ; il est plus susceptible de grandes combinaisons. La gestation de quatre ou cinq enfants à la fois, surtout si ces enfants sont viables. Lextrême étroi-tesse du bassin chez la femme, lorsquelle est telle que lenfant ne peut sortir par la voie naturelle ; par exemple, un bassin qui a moins de deux pouces et demi de petit diamètre dans le détroit inférieur ; celui qui na que quatorze lignes ; un autre qui nen a que onze, ainsi que le rapporte Camper du bassin dune femme à laquelle cet accoucheur fit lopération césarienne ; enfin, un bassin qui na que trois à quatre lignes du fond de la cavité cotyloïde droite à langle sacro-vertébral, semblable à celui qua décrit Beaudeloque. La longévité sétendant à cent vingts ans et au-delà. Certaines idiosyncrasies. Et ces aversions bi-zarres dont il est impossible dexpliquer la cause : je ny comprendrai point lindifférence de quelques personnes pour la musique, elle peut plus facilement se concevoir que laversion que dautres éprouvent pour les accords les plus mélodieux, pour les effets les plus séducteurs de la musique ; chez ces personnes, ils provoquent des convulsions, des accès de fureur involontaire. La folie elle-même présente des anomalies si extraordinaires, quil en est quil faut classer parmi les choses rares, bien que la perte de la raison soit une vicissitude trop commune et trop inhérente à lhumanité. Qui pourrait en effet sempêcher de voir avec lillustre Mead, tous les caractères dune folie bien rare dans lobsession de ce Nabuchodonosor, qui brouta de lherbe et vécut en société avec les animaux les plus stupides, dont il avait adopté les murs? Les filles de Prætrus, imitant le mugissement des vaches, senfonçant dans les forêts, pressées par une vive terreur, étaient des folles sans doute, mais des folles peu communes. Le laboureur dont parle Schenkens, de qui la folie lycantropique consistait à lui inspirer lenvie de dévorer ses semblables, présentait le tableau affligeant dun cas très-rare. Et ces vésanies, ces aberrations singulières de lesprit, qui ont tant de similitude avec la folie : tel est le cas de cet homme qui, dès quil séloignait de sa maison, semblait privé de sa raison, mais qui, rentré sous son toit favorable, reprenait toute la lucidité de son esprit en reconnaissant ses meubles, ses ustensiles, tout ce qui servait à ses occupations, à ses goûts et à ses besoins. Telle est encore lhistoire dun homme rempli de jugement, desprit et dérudition, dun caractère doux et fort gai, lequel était saisi dun transport, dun délire furieux dès que sa femme entrait dans le travail de lenfantement : il protestait contre sa paternité, voulait punir de mort sa coupable épouse et préparait le même sort au fruit de ses criminels amours. Il fallait arracher cet insensé de sa maison ; et lorsque sa femme était relevée, il rentrait chez lui, sans émotion ; sinformant de son enfant, auquel il prodiguait les tendres caresses dont la nature semble nous avoir fait un besoin. Jai vu cette scène se renouveler trois fois dans lintervalle de huit années. Daprès cet exposé, il est facile de concevoir quelle extension on pourrait donner au mot dont jentreprends ici de donner lexplication. Lhistoire des cas rares na point encore été écrite : Haller fut le premier médecin qui, dans lexercice de la pratique médicale, imagina de prendre note de ceux qui soffriraient à son observation ; depuis ce grand homme, qui fut créateur du mot cas rare en médecine, rien na encore été déterminé, classé par les nosographes, lacception est nouvelle. Ce nest que depuis ces dernières années quelle a été introduite dans lenseignement médical. On a créé dans chaque école spéciale de médecine, une chaire consacrée à expliquer les cas rares. La faculté de Paris ne sest point encore occupée de ce genre denseignement ; à Strasbourg, feu le professeur Noël, que la science regrette et que ses amis pleureront toujours, Noël sadonnait à ce travail avec le zèle éclairé quil apportait dans toutes les questions quil avait à traiter. Le savant professeur qui dirige la faculté de médecine de Montpellier, M. le docteur Dumas, si digne de répandre les plus vives lumières sur la matière qui nous occupe, na encore rien publié. Sans guides dans la carrière nouvelle quil me faut parcourir, je vais donc y marcher avec circonspection, afin de ne point mégarer. Jai fait un choix scrupuleux des faits que je dois exposer, en élaguant, dans mes recherches, ces fables merveilleuses que racontent des écrivains trop peu véridiques ou trop crédules, fables quils ont dérobées aux contes des fées, pour les consigner dans des ouvrages scientifiques. Que le lecteur oisif, excité par la seule curiosité, ne vienne donc pas chercher, dans cet article, de ces contes absurdes entassés dans les recueils mensongers destinés à lamusement des enfants et des ignorants. Il ny trouvera pas de ces histoires de géants dune grandeur démesurée ; il ny lira pas, comme dans le dictionnaire des merveilles de la nature, que le géant Antée avait cent cinq pieds ; quOrion, qui fut trouvé enterré sous une montagne, en avait soixante-neuf ; encore moins lhistoire de cet autre géant découvert dans une caverne, assis et tenant dans une de ses mains un bâton gros comme un mât de vaisseau, lequel, sans doute, encore trop léger, était renforcé par une addition de quinze cents livres de plomb. Au commencement du dix-septième siècle, un gentilhomme du Dauphiné, en faisant faire des fouilles dans les environs de son château, au lieu de Langon, découvrit, à dix-huit pieds sous terre, une tombe de brique longue de trente pieds, large de douze, haute de huit. Cette tombe renfermait le squelette dun homme qui fut jugé, vu la grandeur des os, avoir eu vingt-cinq pieds de haut. Les médailles renfermées dans le tombeau, les inscriptions qui étaient gravées sur le marbre qui le recouvrait, prouvent que ce squelette était celui de Theutobacus, roi des Theutons, Cimbres et Ambrosins, défait par Marius, consul romain, cent cinquante ans avant Jésus-Christ. Les anatomistes les plus célèbres ayant examiné ces os, soutinrent quils avaient appartenu à un géant de vingt-cinq pieds de haut. Le célèbre Habicot défendit cette ridicule opinion avec un acharnement qui prouvait sa conviction ; Guillemeau, dont les ouvrages sont encore lus avec estime par les gens de lart, partagea lopinion dHabicot, et la défendit. Jean Riolan, qui brillait alors dans la faculté de médecine de Paris, se moqua de la crédulité de ceux qui croyaient au géant Theutobacus ; mais Habicot resta le maître du champ de bataille, et toute la France crut au géant de vingt-cinq pieds : en rapportant cette anecdote curieuse, je me garderai bien de recommencer une discussion sérieuse sur un fait qui nen comporte point ; les débats quil a suscités dans le temps, prouvent combien les hommes sont disposés à accueillir lerreur, et combien le merveilleux a de pouvoir sur les esprits, puisque les personnages les plus éclairés ne peuvent sen défendre. Je nai point adopté non plus lhistoire de ces hommes marins, vivants sous lélément liquide comme les poissons, et nen sortant que pour étonner nos regards. Je laisse à la mythologie ses brillantes fictions. Les faits rapportés dans cet article sont attestés par des savants, et nont rien de merveilleux pour lhomme instruit. Il en est qui ne seront exposés quavec le doute philosophique qui convient à lami de la vérité, lorsquil na point une conviction entière. Pour procéder avec quelquordre à ce travail, je diviserai les cas rares en trois classes ou sections ; la première comprendra ceux qui résultent de la structure anatomique de nos organes, soit que la nature en ait diminué le nombre ou ne les ait pas tous achevés avec sa perfection ordinaire, soit que prodigue, elle les ait multipliés contre le vu de ses procédés habituels. La seconde section des cas rares comprendra les irrégularités que, dans létat physiologique, on remarque dans nos fonctions ; irrégularités relatives à lordre général des choses. La troisième embrassera toutes les maladies extraordinaires, les phénomènes qui semblent en opposition avec les lois de léconomie animale. Je suivrai, pour lexposition de la première et de la troisième classes de cas rares, lordre des grandes régions du corps humain ; ainsi, je commencerai par la tête, la poitrine, labdomen et les membres. Ière section. Lorgane encéphalique est celui où la nature se montre le plus régulière, où elle commet moins derreurs ; et, si jen excepte quelques petites anomalies qui sont plus du ressort de lanatomie descriptive qui atteste que la nature ait quelquefois violé ses lois dans lorganisation des parties internes du crâne. Lhydrocéphalie ne présente quun développement morbifique, et lacéphalie nest quune soustraction due à la même cause. On a vu des hommes dont la tête était dune grosseur prodigieuse, grosseur analogue au volume du cerveau dans létat sain. Je nai pas trouvé dans mes recherches des descriptions qui présentassent des circonstances extraordinaires dans de pareils cerveaux et dans les parties qui les enveloppaient ou qui y étaient contenues, comme les membranes, les artères, les veines, les nerfs et les ganglions. Il faut donc se borner à citer quelques cas relatifs à la grosseur de la tête, cas très-rare et très-curieux. M. le docteur Louis Valentin, ce savant laborieux auquel lart de guérir doit une foule dutiles travaux, et dont jaurai souvent loccasion dinvoquer le témoignage, a publié la description dun crâne très-extraordinaire par sa grosseur. Ce crâne est conservé dans le cabinet dhistoire naturelle de Marseille : cest celui dun nommé Borghini, né à Marseille, et qui mourut dans cette ville en 1616. Cet homme vécut jusquà cinquante ans ; il navait que quatre pieds de haut ; sa tête avait trois pieds de tour par les côtés, et un peu moins dun pied de hauteur : les os sont fort minces, sans doute à cause de la grande masse cérébrale. Le crâne est entrouvert de la largeur dun écu à lendroit où la suture sagittale se rencontre avec le coronal, et celui où commence la suture lambdoïde. Bien que cet homme eût beaucoup de cervelle, dit le docteur Valentin, il navait pas plus desprit ; cest un proverbe qui courait dans Marseille et que la tra-dition a conservé : a pas maï de sen que Borghini ; tu nas pas plus desprit que Borghini. Lorsquil devint âgé ; cet homme fut obligé, ne pouvant plus soutenir le poids de sa tête, de porter sur chaque épaule un coussin qui lassujettissait. Une personne qui arrivait de Tunis, il y a quelques années, dit y avoir vu un Maure, âgé de trente ans et dune taille moyenne, ayant une tête dun volume si prodigieux que le peuple sattroupait autour de lui dans la rue. Le nez avait quatre pouces de long; la bouche était si large que ce Maure mangeait un melon avec toute son écorce, comme un autre aurait mangé une pomme. Cet homme était un imbécile. Le docteur Valentin, qui rapporte le fait précédent, donne encore les détails suivants sur un homme quil a connu à Marseille, et qui nest mort quen 1807, à lâge de soixante-onze ans. Philippe Sormet avait une très-grosse tête ; son front était large et faisait une forte saillie en avant. Il nétait point entré dans un lit depuis trente ans ; il passait les nuits sur une chaise à écrire et à lire ; ne man-geait quune fois toutes les vingt-quatre heures ; il ne se chauffait jamais et ne se servait point deau chaude. Sa manie était de compiler les auteurs, et de critiquer les écrivains contemporains, mais dans la conversation seulement. Les volumineux manuscrits trouvés après sa mort nétaient que des extraits. Il fréquentait assidûment la bibliothèque publique, et il affectait de ne regarder jamais la tête de Borghini, devant laquelle il fallait passer pour entrer et pour sortir de la salle. Il faisait apporter autour de lui trente à quarante volumes, et quelquefois soixante. Il sendormait souvent la plume à la main, et il fallait le réveiller lorsquon fermait les portes de la bibliothèque. Bienvenuti a vu à Lucques un jeune garçon, bien proportionné dans toutes ses parties, dont la tête commença tout-à-coup à grossir à lâge de sept ans. Parvenu à vingt-sept, sa tête avait trente-sept pouces huit lignes de circonférence ; son visage avait quinze pouces de hauteur : le reste du corps, ni lorgane de la voix, ne répondaient à cette énormité de la tête. Il avait beaucoup de force dans les bras. Ses facultés intellectuelles étaient très-vives. Il fut frappé dapoplexie à lâge de trente ans, et mourut. Actes de la société impér. des Curieux de la Nature, tom. VIII. On remarque des têtes dune grosseur exorbitante, dont les dimensions surpassent celles que nous venons de décrire ; mais elles appartiennent à des enfants hydrocéphales, et qui nont pu vivre. Nous aurons occasion, dans la suite de cet article, den rapporter quelques exemples. Des cheveux touffus, atteignant les talons, ne sont remarqués et admirés que parce que la chose est très-rare. Il est peu commun que les sourcils soient noirs lorsque les cheveux sont blonds. Nous voyons des individus dont les sourcils sont dune longueur prodigieuse, et dune épaisseur telle quils débordent considérablement les deux côtés de larcade sourcilière, couvrent une partie du front et tapissent lintervalle qui est ordinairement libre à la racine du nez. Cest une espèce de difformité assez rare, surtout lorsquelle est aussi exagérée que je lai remarquée, mais plus souvent dans les hommes que chez les femmes. Des enfants naissent avec une partie des cheveux blancs et lautre noire, ou de toute autre couleur. Quelquefois cest tout un hémisphère de la tête qui offre cette variété ; lon voit, mais plus rarement, les sourcils partager cette diversité de couleurs. Chez quelques individus, cest une touffe plus ou moins considérable des cheveux qui est ou blanche, ou blonde, ou rouge, tandis quil y a uniformité dans le reste de la couleur de ces organes. On a vu dautres enfants venir au monde ayant les paupières réunies entre elles par un corps membraneux, en sorte quelles ne pouvaient souvrir. Jai observé un cas semblable ; il fallut que lart achevât louvrage que la nature avait laissé impar-fait ; la partie interne des paupières nadhérant point à la conjonctive, lenfant a joui de la vue. M. le docteur Forlenze a vu les paupières adhérer à la conjonctive ; il en fit la dissection, et les fonctions de la vue sexercèrent. Si ladhérence avait lieu sur la prunelle, il faudrait faire une pupille artificielle, selon le procédé ingénieux publié par loculiste qui vient dêtre cité. Dautres fois, lenfant naît avec une cécité inguérissable ; cest le nerf optique qui est frappé de paralysie. Cest une hydropisie de lhumeur vitrée, ou bien une myopie qui permet à peine de distinguer lombre des corps ; elle dépend de la forme du cristallin, et particulièrement du volume excessif des humeurs de lil ; la cécité de naissance est quelquefois due à un vice de conformation de la membrane iris, qui peut manquer de pupille, ou dont les nerfs sont paralysés. La paralysie peut nêtre que partielle, et se borner au nerf optique, sans affecter les nerfs ciliaires ; la cécité nen est pas moins inguérissable. Le docteur Forlenze a vu à Bâle, en Suisse, un homme de trente-six ans, aveugle-né, dont lil était très beau, liris se dilatant, se contractant comme dans létat naturel : cet infortuné navait jamais aperçu la lumière ; le nerf optique seul était paralysé. Il est à remarquer que chez les aveugles-nés, lorsque la cause de la cécité réside dans cette sorte de paralysie, le globe de lil est très-gros, saillant hors de la tête, et toujours dune excessive mobilité. Si la cécité de naissance dépend de lopacité de lhumeur cristalline, ou plutôt de sa membrane, tout espoir de procurer lusage inappréciable du sens de la vue nest pas perdu, depuis que Chéselden, et après lui le docteur Forlenze, sont parvenus à pratiquer, avec succès, lopération de la cataracte chez des aveugles de naissance. Cest ici le cas de placer lhistoire succincte dun aveugle-né rendu à la lumière par le docteur Forlenze, oculiste, qui a fait faire de grands progrès à son art. Louis Garin, aveugle de naissance, avait parlé fort distinctement à lâge de huit ou neuf mois ; il annonçait, à cet âge, beaucoup dintelligence : élevé à linstitution des aveugles, il y reçut une éducation soignée dont il profita ; à lâge de vingt-quatre ans, au mois de fructidor an 7, on le fit entrer à lhospice des vieillards de Paris, pour y être opéré par le docteur Forlenze qui, déjà, en 1796, à Lucerne, et en 1798, à Amsterdam, avait rendu la vue à des aveugles-nés. Garin navait jamais vu les objets ; mais il pouvait distinguer, par un seul il seulement, le jour des ténèbres, et reconnaître les couleurs très-vives quand il appliquait les corps sur cet il. Il distinguait la couleur rouge ; la couleur orange était pour lui une espèce de rouge ; la verte, il disait ne la pouvoir distinguer ; il reconnaissait, au premier abord, le sexe et lâge des personnes qui lapprochaient. Le son de la voix ne le trompait jamais sur lâge ; il ny avait pas autant de confiance pour sassurer du sexe, attendu que la voix est aussi douce dans un jeune garçon que dans une femme ; cest à la nature du discours quil sarrêtait ; il est, selon lui, plus rapide chez les femmes que chez les hommes. Le docteur Forlenze avant dopérer, déclara que les cataractes étaient liquides et capsulaires. Cette particularité caractérise les cataractes de naissance. Les yeux de Garin étaient très-mobiles, comme chez tous les aveugles-nés. La cornée dun des yeux était rude, les capsules étaient adhérentes. Malgré ces obstacles, lopération fut faite avec une extrême dextérité, et le succès le plus complet la couronna. Mon Dieu! quelle vive lumière! sécria Garin, dès que la cataracte fut extraite. En ce moment Garin éprouva une vive douleur causée par la première impression de lumière portée directement sur la rétine. Ses yeux furent sur-le-champ couverts de linges et dun capuchon garni de soie noire, afin de les garantir du dangereux contact de la lumière. Le sixième jour, les yeux furent mis à découvert en présence de MM. Garat, Hallé, Lebreton, de Tracy, commissaires nommés par lInstitut pour vérifier les résultats de lopération ; dautres savants distingués, feu le professeur Thouret, MM. Haüy, Charles, Mascheroni, Fabroni, Wanswieden, etc., furent les témoins de ses heureux résultats. Garin fut placé le dos tourné du côté opposé à la croisée, dont on avait fermé les volets et retiré les rideaux, on lui découvrit les yeux. Je vois, dit-il, beaucoup de lumière ; elle est bien grande. Un papier blanc lui fut présenté à la distance de deux pieds ; je vois du blanc, sécria-t-il. Il reconnut, à la même distance, la couleur rouge, ce quil ne pouvait faire avant lopération, quen lappliquant sur lil. Ensuite, on remua la main à distance de trois pieds, il reconnut ce mouvement. Garin eut besoin dapprendre à voir, comme les nouveau-nés, en touchant les objets. Il définissait la couleur noire : le noir, quand je le vois, cest comme quand la lumière disparaît. Les yeux de Garin furent de nouveau bandés, et peu de jour après, on les découvrit. Le premier objet qui lui fut offert fut sa mère. Oh! sécria-t-il, quel est cet objet si grand, si singulier, que je vois là, où il y a tant de blanc, que cela est énorme! Tout-à-coup on lui présenta diverses personnes : voilà qui est drôle, dit Garin ; je crois voir des corps, ce pourraient bien être des personnes. Puis, indiquant du doigt : en voici un, en voilà un autre ; il y a du blanc, du noir et dautres couleurs. En voici un où il y a tant de blanc, que ce pourrait bien être une femme : en effet, cétait une dame. Portant ses yeux sur un homme en habit noir, et ayant les cheveux poudrés : voici beaucoup de noir, je vois du blanc sur ce noir. Selon lopinion de Lecat, Buffon, Condillac et autres métaphysiciens, nous voyons en naissant les objets renversés, et nous ne rectifions cette erreur doptique quau moyen du toucher. Cependant Garin, dont la vision pouvait se comparer à celle dun nouveau-né, puisquil navait encore rien touché, voyait les objets tels quils étaient réellement. Ce fait doit être médité et expliqué par les physiologistes, et peut faire changer un point de théorie avec lequel il est en contradiction. Lon montra à Garin du rouge et du blanc sur du noir ; il désigna, sans hésiter, le rang occupé par chaque couleur. On lui présenta un chapeau, et il répondit: je vois du noir, mais je ne sais ce que cest. A la vue dune orange, il dit : cest un rouge pâle, plus petit que le corps noir. Deux oranges à côté lune de lautre : je vois plus de rouge pâle. Les deux oranges séparées : je vois deux rouges pâles. Les progrès de sa vue se développèrent insensiblement. A la cinquième séance, il marcha sans guide ; il distinguait les femmes des hommes, parce quelles avaient plus de blanc dans leurs vêtements. Peu à peu sa vision se fortifia, et il apprit à distinguer les corps. La première fois quon le plaça à une fenêtre ouverte sur un jardin : il mest impossible, dit-il, dexprimer la sensibilité que jéprouve dans tout mon être, en étant entouré dun jour si beau. Garin distingua les couleurs du ciel, celle de lherbe, et prit pour des bâtons les jeunes arbres plantés dans le jardin. Nous nous arrêtons ici ; des détails ultérieurs excéderaient les bornes que nous prescrit notre sujet. Le lecteur, sil veut connaître tous les résultats de la belle opération du docteur Forlenze, peut lire une brochure intitulée : Expérience métaphysique, ou Développement de la lumière et des sensations, par Jauffret, 1810. Eller a publié, dans les Mémoires de lAcadémie de Berlin, la description dun enfant nouveau-né, qui navait quun il. Ce fut en 1755 quune femme, dit ce savant, accoucha dun enfant dont la tête était énorme et le visage affreux ; sur son front vaste et large, était un il unique, bien fendu, grand, mais tordu ; plutôt rougeâtre que blanc, enfoncé dans un trou carré, sans être couvert de sourcils ni de paupières, quoique ces parties ne manquassent pas entièrement. Au-dessus de cet il était une excroissance épaisse et cylindrique, qui représentait une espèce de verge, ayant un canal de lurètre, un gland et un prépuce. Ces parties flottantes et mobiles recouvraient cet il hideux. Lhéméralopie et la lyctalopie tienne à des causes organiques, et quelquefois à des causes morbifiques. Voy. ces mots. Lecat rapporte le cas dune demoiselle de Parme, qui voyait aussi clairement à minuit, toutes ses fenêtres étant bien fermées, que sil eût été midi. Cette nyctalopie dépendait de lorganisation de sa pupille, susceptible dune extrême dilatation. Lil rassemblait une grande quantité de la faible lumière de la nuit, et cette somme de lumière suppléait à la force de celle du jour. Une organisation opposée de la pupille est la cause de lhéméralopie ; lindividu qui en est atteint a besoin de toute la lumière du jour pour distinguer les objets. Ces cas sont fort rares, lorsquils ne sont pas préparés par des maladies antécédentes. On a quelquefois vu des individus chez lesquels le pavillon de loreille manquait, sans cause pathologique. On en a vu aussi dont la membrane du tympan était perforée naturellement, sans que pour cela le sens de louïe fut moins parfait. Je ne sais si cest à une pareille organisation quil faut attribuer la faculté quont certaines personnes de faire sortir par les oreilles, la fumée du tabac. Jai vu plusieurs fois cette particularité chez des Allemands, et surtout chez des Espagnols. Jen connais un qui fume toute une cigarre sans laisser échapper un atome de fumée ; puis il la fait sortir, soit par la bouche, soit par les oreilles, soit enfin par les deux parties à la fois. Des enfants sont nés ayant le trou auditif oblitéré par un corps charnu ou membraneux. La conformation de loreille externe est remarquable, chez quelques personnes, par lextrême petitesse et lamincissement de cet organe ; dautres fois, elle lest par lénormité et la bizarrerie de sa forme. Jai vu une femme dont chaque oreille avait plus de quatre pouces de longueur, et dont lextrémité inférieure était pendante de plus dun grand pouce, et se terminait en pointe très-aiguë. Jai vu un homme dont loreille avait la longueur ordinaire, mais elle était comme graisseuse et dune épaisseur qui sétendait à plus dun pouce, sans que cette conformation fut le résultat dun état pathologique. La forme du nez présente des variétés qui sont trop en évidence pour exiger une exposition détaillée. On voit des nez bizarrement contournés, dune extrême longueur, ou tellement courts, quil semble quune opération en ait soustrait la plus grande partie ; dans dautres, soit grands, soit courts, les narines sont extrêmement larges, et figurent les naseaux du cheval ; cest aux nez courts surtout que cette conformation sobserve. Il y a des nez prodigieusement épatés, et qui sont dépourvus en partie, et quelquefois en totalité, des os destinés à former cet organe. Il est des hommes chez lesquels le nez est si petit quà peine on laperçoit ; dautres, où il manque tout-à-fait, et qui nont que les ouvertures du canal nasal revêtues de la peau. Nous voyons des nez extrêmement étroits et dont les ailes sont, pour ainsi dire, réunies entrelles, à tel point que la respiration se trouve interceptée à la moindre affection muqueuse de la membrane pituitaire. Quelques personnes assurent avoir vu les orifices du nez imperforés chez des nouveau-nés, auxquels il a fallu les rétablir au moyen de linstrument tranchant. Je parlerai ailleurs de ces nez énormes qui couvrent une partie du visage, se divisent en plusieurs lobes, et semblent être des espèces de végétation. Ces sortes de difformités sont toujours dues à un état pathologique du système des glandes sébacées et des vaisseaux lymphatiques de la peau. La bouche extrêmement fendue, et qui, en souvrant, met à découvert les dernières dents molaires, comme celle de certains poissons, dont les deux mâchoires sont mobiles ; comme de certains reptiles qui ont plusieurs rangées de dents, est une conformation assez rare chez lhomme, surtout chez lEuropéen. Il est aussi fort rare de voir une bouche extrêmement petite, de forme ronde, et dans laquelle les aliments sont introduits avec difficulté. Dans certaines maladies des dents, il a fallu porter linstrument tranchant aux commissures des lèvres pour les élargir. Il y a des lèvres tellement minces quon les croirait atrophiées ; elles ne sont formées, pour ainsi dire, que de la peau ; dautres, au contraire, sont épaisses et forment un bourrelet énorme ; sans être affectées daucunes maladies, elles semblent être dans un état dextrême tuméfaction. Il en est enfin qui sont semblables à celles des chevaux ; et qui, dans un âge avancé, sont pendantes et comme frappées de paralysie. La langue est quelquefois attachée par une membrane qui la fixe aux alvéoles par son extré-mité : cest ce prolongement du frein que lon nomme vulgairement le filet. Jai vu un enfant qui, à lâge de cinq ans, ne parlait pas encore ; jexaminai sa langue : elle était presque immobile et retenue aux alvéoles par trois filaments membraneux qui partaient de sa base jusquà los hyoïde, et recouvraient la partie postérieure de la langue jusquà lextrémité de son bout. Le docteur Terrade, professeur à lécole de médecine de Bruxelles, fit lopération avec autant de dextérité que de précision, et dès-lors lenfant put sexprimer. Il y a des langues très-volumineuses, et surtout dune longueur prodigieuse. Jai vu un bateleur qui allongeait cet organe de six pouces hors de la bouche. Jai aussi remarqué, chez une femme de Berlin, une singulière conformation de la langue : elle était fort large et plus mince que celle dun chat ; son épaisseur était à peine dune demi-ligne, et lorsque cette femme riait, sa langue tapissait toute sa bouche, simulant les plis dune draperie, et recouvrait toutes les dents. Cet organe était constamment privé de chaleur ; et lorsquon le touchait, on éprouvait une impression de froid très-sensible. Je connais une fort jolie personne, âgée de quinze ou seize ans, qui, malgré que son cou soit fort long, peut porter la langue sur sa poitrine, sans incliner sa tête. Jussieu a consigné dans les Mémoires de lAcadémie des Sciences, de 1718, lhistoire dune jeune fille portugaise, âgée de quinze ans, laquelle au lieu dune langue, navait quune petite éminence en forme de mamelon ; elle sélevait à la hauteur de quatre lignes du milieu de la bouche. Cette éminence avait un mouvement de contradiction et de dilatation. La jeune personne parlait distinctement, mais elle éprouvait de la difficulté à prononcer c, f, g, l, n, r, s, t, x, z : elle faisait alors une inflexion de tête et une sorte deffort pour relever le larynx. Elle mâchait les aliments avec difficulté, et se servait du doigt pour les pousser dans la cavité de la bouche afin de les avaler. Morgani fait mention dun homme chez lequel lépiglotte manquait absolument ; néanmoins cet individu parlait et avalait sans difficulté. Ce savant médecin pense que les muscles aryténoïdiens, qui étaient très-fortement développés, suppléaient à lépiglotte, et fermaient, lorsquil le fallait, louverture de la glotte. Grashuys, et après lui Vicq dAzir, ont vu une dilatation de lsophage semblable au jabot des oiseaux ; les aliments passaient dans ce sac par larrière-bouche et y demeuraient stagnants. Le malade de Vicq dAzir éprouvait du plaisir en mangeant, mais il vomissait peu après la nourriture quil avait prise. Il mourut dans un état de sécheresse et dépuisement extrêmes. Une femme, depuis son enfance, avait de la difficulté pour avaler. Vers lépoque de la révolution menstruelle, cette incommodité saccrut ; elle fit chaque jour de nouveaux progrès : dès que le sujet se livrait à quelque exercice, la difficulté davaler augmentait : la saignée la soulageait momentanément. Enfin la déglutition devint tout-à-fait impossible, et la malade mourut. La cause de la mort était une disposition extraordinaire de lartère sous-clavière qui, passant entre la trachée-artère et lsophage, comprimait ce dernier conduit, et sopposait au passage des aliments. Diemerbrocck assure avoir disséqué un sujet où le diaphragme et le médiastin manquaient, et chez lequel les poumons ne formaient quun lobe. Jai vu un cas bien plus extraordinaire, mais que je puis attester, layant scrupuleusement vérifié. Cest un soldat âgé denviron trente ans, dune stature moyenne et bien proportionnée, homme vigoureux et sain : il fut tué en duel, dun coup de sabre qui lui ouvrit labdomen. En examinant le cadavre, nous reconnûmes que le cur occupait la partie droite de la poitrine ; le poumon réuni en un seul lobe était à gauche ; lestomac et les intestins occupaient leur place ordinaire ; le foie seul était à gauche ; ses lobes étaient distincts à la vue, mais adhérents entre eux par une contiguïté parfaite : le reste des viscères était situé dans lordre naturel. Lancisi assure avoir vu une famille où le battement du cur était à la région droite de la poitrine. Deux corps appartenants à des membres de cette famille, ont été disséqués, et lon observa que le ventricule et loreille droite étaient fort dilatés. Vicq dAzir pensait que les battements du cur auraient pu se faire sentir à droite, sans quil y eût de dilatation et par le seul effet des contractions nerveuses. Telasius certifie navoir trouvé dans le corps dun soldat romain nul vestige du cur. Ceci serait un cas singulièrement rare, sil était permis dy ajouter foi... Si nous jetons un coup dil sur les animaux qui allaitent leurs petits, nous observons que la nature destine les femelles multimammes à en procréer plusieurs ; elle a multiplié les mamelles des mères afin quelles puissent nourrir tous leurs petits à la fois. Ainsi les femelles du chien, du chat, du cochon, du rat, sont multimammes. Les animaux qui nont que deux mamelles, comme la femme, la jument, la vache, la brebis, nont ordinairement quun ou deux petits. Cependant on remarque quelquefois que la nature, par une sorte de caprice ou de bizarrerie, rend multimammes les femelles de ces dernières espèces danimaux. Mais elle ne déroge pas pour cela aux lois quelle a établies dans le mode de la reproduction de leur espèce : ainsi les femmes multimammes ne sont pas destinées, en raison de cette singularité dans leur organisation, à procréer plus denfants que celles qui nont que deux mamelles. Nous allons exposer ici lhistoire de plusieurs femmes multimammes. Lexcellent mémoire qua publié, sur ce sujet, le savant professeur Percy, est la source où nous avons puisé les faits les plus curieux. Julia, mère dAlexandre Sévère, fut surnommée Mamea, à cause quelle avait plus de deux mamelles. Madame Witres, de Trèves, fort belle femme et mère de très-beaux enfants, avait trois mamelles : deux étaient bien conformées et bien placées ; la troisième, semblable à celle dun homme, était située au-dessous et au milieu des deux autres. M. Percy a vu cette dame, et il a vérifié le fait que nous citons. Thomas Bartholin (4e. centurie) dit avoir observé, chez une femme danoise, trois mamelles, dont deux conformées comme celles des femmes, et une troisième formant le triangle. Celle-ci, vu son petit volume et la forme de sa papille, ressemblait à la mamelle dun homme gras et robuste. Georges Annæus rapporte lobservation dune femme qui avait trois mamelles dune très-belle forme, et qui, toutes trois, donnaient du lait ; elles étaient placées sur la même ligne ; lune était à droite, et les deux autres occupaient le côté gauche. Jean Borel (Ire. centur. observ. 45), rapporte quune femme avait trois mamelles ; deux occupaient leur place ordinaire ; la troisième était située sous celle du côté gauche : elle donnait du lait, mais moins que les deux premières. Hollier a vu une femme qui, à lun des seins, avait deux mamelons bien distincts : ils donnaient du lait avec la même facilité et la même abondance que le mamelon du sein opposé. (Consult. et observ., lib. ij. ) Joan.Faber Lynceus, (in Nardi comment.), rapporte quil existait, de son temps, une femme romaine à qui la nature avait donné quatre mamelles, fort jolies et rangées les unes au-dessus des autres, et sur deux lignes régulières. Toutes quatre donnaient du lait abondamment. M. Gardner a connu au Cap-Français, en lan ii, une femme, née dun blanc et dune négresse, laquelle était pourvue de quatre mamelles ; deux étaient placées dans le lieu délection et bien conformées ; les deux autres étaient situées près de laisselle, à un pouce au-dessous et en avant ; elles avaient sept à huit lignes délévation, et environ quatre pouces de circonférence ; le petit mamelon qui les terminait était proportionné à leur volume. Cette femme devint mère à quatorze ans ; elle eut du lait aux quatre mamelles en raison de la capacité de chacune. MM. François et Brandin, chirurgiens militaires, ont vu chacun un cas de quatre mamelles, lun chez un lieutenant dartillerie, tué à lâge de vingt-deux ans ; lautre, chez un jeune chirurgien. Tout le monde a lu, dans le Dictionnaire philosophique de Voltaire, lhistoire de cette femme qui avait quatre mamelles, et portait au croupion une excroissance revêtue de poils chevelus, au point quelle ressemblait à une queue de vache. M. Percy pense que cette excroissance était due au prolongement du coccyx, comme on en voit des exemples parmi les peuplades sauvages de Bornéo. Voici une observation dune femme qui portait cinq mamelles. Cest M. Percy qui la rapporte en ces termes : " En lan 8, parmi les innombrables prisonniers que fit larmée du Rhin à Cremsmunster, en Autriche, se trouva une femme valaque, vivandière suivant larmée, avec ses deux enfants, de lun desquels elle était accouchée il y avait vingt jours. Cette infortunée était excédée de fatigues, morfondue et très-souffrante. Nous étions alors à la fin de janvier, il gelait fort, et la campagne était couverte de trois pieds de neige. Ayant été averti par quelques-uns de nos gens qui lavaient gardée à leur bivouac par commisération, quelle avait le besoin le plus grand et le plus pressant de mon secours, je la fis conduire dans létable dune ferme voisine : elle mourut le lendemain. Cest alors quon découvrit quelle avait cinq mamelles, dont quatre très-saillantes, pleines de lait, rangées sur deux lignes, un peu moins brunes que le reste du corps, et ayant chacune un bout très-gros, fort allongé, et entouré dun cercle extrêmement noir. La cinquième nétait pas plus grosse que celle dune fille impubère; elle était placée au-dessous et au milieu de la rangée inférieure, cinq pouces plus haut que lombilic. " Le cadavre fut injecté assez parfaitement, attendu le défaut dustensiles et dingrédients convenables ; cependant, M. Percy put recueillir les observations suivantes sur létat du système circulatoire des mamelles. Du côté gauche, lartère thoracique supérieure ou mammaire externe, avait à sa sortie de lexillaire un tronc bien plus considérable quil ne lest ordinairement. Après avoir distribué dinnombrables rameaux aux téguments et aux muscles de la partie antérieure de la poitrine, elle se partageait en deux branches, dun calibre égal, dont une descendait quelques pouces plus bas que la mamelle supérieure, et revenait tout-à-coup sur elle-même pour se plonger et se perdre dans cet organe ; tandis que lautre se subdivisait en une infinité dartérioles qui couvraient, en forme de réseau, la même mamelle ; ou se prolongeaient jusquà la mamelle inférieure, tant par-dessous, où il en pénétrait dans le corps glanduleux, que par-dessus, où ils accompagnaient de grosses veines qui semblaient être variqueuses. Presquimmédiatement après sa naissance de la sous-clavière, derrière la partie moyenne de la clavicule, lartère mammaire interne, toujours du côté gauche, se divisait, contre sa coutume, en deux grosses branches, que notre savant anatomiste suivit dans leur trajet tortueux, tantôt le long des cartilages de côtes, et tantôt derrière le sternum. Lune delles sépuisait peu à peu en rameaux qui traversaient les muscles intercostaux en différents endroits, pour se distribuer aux deux mamelles gauches ; lautre, malgré les rameaux nombreux quelle fournissait de son côté, fut visible jusquà la partie supérieure du muscle droit, où probablement elle donnait quelque filet à la cinquième mamelle, avant de sanastomoser avec lépigastrique. Du même côté, lon découvrait, dès son origine, la branche que lartère brachiale envoie presque toujours aux mamelles ; elle marchait, seule, vers laisselle, où en passant elle laissait aux glandes quelques artérioles ; puis ayant fait quelques progrès, sans en avoir fourni une seule, elle se divisait en quatre rameaux, dont trois presque aussi considérables que la branche principale, se dirigeaient vers les deux mamelles den haut et den bas, senfonçaient dans leur parenchyme, et sy terminaient en ramuscules qui échappaient aussitôt à la vue. Le quatrième de ces rameaux se glissait entre les muscles et allait se perdre à la peau. Linjection nayant pas réussi du côté droit, M. Percy na pu suivre exactement le cours artériel ; cependant, il la assez observé pour sapercevoir quil remplissait, de ce côté, les mêmes fonctions nutritives à légard des mamelles que du côté gauche. M. Ansiaux, chirurgien à Liège, a observé chez un conscrit de lan 13, que la mamelle gauche est aussi développée que chez une femme ; le mamelon est très-bien formé ; il est entouré dune belle aréole. Cette mamelle a toujours été plus grosse que lautre, mais depuis la puberté, elle a acquis le volume qui la distingue aujourdhui. Les organes génitaux sont bien conformés. Une paysanne avait deux mamelles placées aux parties où elles sont ordinairement situées ; mais elle en avait deux autres sur le dos, qui contenaient du lait lorsque cette femme nourrissait. (Bibliothèque médicale de Planque). A louverture du corps dun officier, on remarqua que lestomac tout entier, et une partie de lintestin colon, étaient placés dans la cavité gauche de la poitrine, où ils avaient pénétré en perçant le diaphragme. La moitié de la rate était aussi dans la poitrine. Les endroits où le diaphragme était percé et laissait passer ces viscères, étaient des anneaux cartilagineux, fort adhérents aux parties auxquelles ils donnaient passage ; ce qui autorise à croire que toute cette organisation était due à une erreur de la nature. Le colon ayant percé le diaphragme à sa partie gauche, couvrait le ventricule, perçait de nouveau le diaphragme à sa partie moyenne, et rentrait dans labdomen, où il reprenait sa route ordinaire. Les poumons comprimés par de pareils voisins, étaient minces et flétris. Le côté droit de la poitrine était rempli de sérosité ; le cur était très-gros. (Hist. acad. 1729.) Un adulte, mort dhydropisie, fut ouvert : le foie et la rate manquaient entièrement ; la veine-porte se rendait immédiatement à la veine-cave. Nous navons rien lu danalogue à ce cas, et il nous faut lautorité du nom de Lieuthaud pour ne pas rejeter ce fait parmi ceux qui nous ont paru suspects. Vanderviel a vu chez un homme de quarante ans, mort dune fièvre lente avec crachement de sang, la rate ronde, et qui nétait pas plus large que la paume de la main ; elle était située sous lombilic. Un homme affecté dhydropisie, et qui fut pendu, avait, assure Blanchard (Collect. méd. phis.), la rate placée au milieu du ventre, sur le sternum ; elle sétendait jusquà lischion, et occupait presque toute la longueur de labdomen. Ce viscère pesait trois livres et demie. Le même auteur parle dune fille de sept ans, chez laquelle la rate remplissait tout le côté gauche de labdomen, entre le diaphragme et laine. Elle comprimait lestomac et les intestins, ils se gangrenèrent et lenfant mourut. Cinq frères et surs de cet individu étaient morts au même âge, par suite dune pareille organisation. Blasius dit quune femme de quarante-huit ans, maigre, sujette à la constipation et à des lassitudes dans les membres, portait une rate pesant quatre livres et tapissant labdomen, où elle couvrait les intestins. Littre a consigné dans les Mémoires de lAcadémie des sciences de 1709, lobservation dun ftus où le ccum et le colon manquaient. Liléon formait un cul-de-sac charnu, de la grandeur dun uf. De la partie inférieure de cet intestin sortait un petit conduit, long de trois lignes, qui souvraient par un trou petit et rond, au-dessus de la symphyse du pubis. Le méconium sortait par ce trou. Une fille de quatorze ans, bien constituée et dune très-jolie figure, navait ni parties génitales ni anus, et nen présentait aucuns vestiges ; les lieux délection étaient exactement recouverts par la peau. Cette jeune personne mangeait avec appétit, dormait bien, et jouissait dune excellente santé ; mais tous les trois jours elle ressentait à lombilic une douleur profonde, une irritation gradative, à la suite de laquelle elle vomissait les matières stercorales. Dès lors les douleurs cessaient. La bouche était soigneusement lavée et parfumée avec des substances aromatiques, et lodeur désagréable des excréments disparaissait. Les urines sévacuaient par les mamelles. Il eut été à souhaiter quon eût pu observer cette fille à lépoque de linvasion menstruelle, pour apprendre quelle issue la nature aurait pu offrir au sang, ou quels accidents auraient produit son accumulation dans lutérus. Ce cas se trouve rapporté dans lancien Journal de Médecine, tome viii. Il y a plusieurs années que je fus appelé pour donner mes conseils à trois élèves en chirurgie, qui depuis cinq jours essayent vainement daccoucher une femme. Cette malheureuse, bien constituée et âgée de vingt-deux ans, éprouvait dhorribles angoisses, sur un affreux grabat. Ayant appris delle quelle était fort constipée et navait point eu de garde-robe depuis huit jours, je prescrivis un lavement. Lun des élèves, chargé de cette opération, sévertuait inutilement pour trouver louverture de lanus. Jallai à son secours, et je reconnus que lanus était imperforé : nul vestige ne lindiquait. Une ligne semblable au raphé, partait du coccyx et se terminait à la vulve. Jintroduisis le doigt dans le vagin, où je trouvai lintestin rectum flottant et comprimant la matrice, attendu quil était rempli dexcréments. Son ouverture était aussi large que son diamètre, cest-à-dire, quil navait pas de sphincter. La canule y fut introduite, et le lavement pénétra dans lintestin, doù il sortit sur-le-champ une prodigieuse quantité de noyaux de cerises agglomérés avec des matières fécales. Après cette évacuation, je terminai laccouchement. Cette fille, honteuse de limperfection dont la nature lavait affligée, la tenait secrète et nosait, de crainte de se trahir, indiquer lendroit où il fallait introduire les lavements, dont elle avait si grand besoin. Ce cas est analogue à celui que cite Mercurialis, (De morb. puer. l. i.) La fille dun Hébreu, appelé Teutonicus, dit Mercurialis, était sans anus et rendait les excréments par la vulve. Cependant la fille vécut un siècle. Sandon raconte quun enfant vint au monde ayant lanus imperforé ; on lui fit lopération, mais il névacua point ses excréments et mourut le quatrième jour de sa naissance. A louverture du cadavre, on reconnut que le rectum, au lieu de suivre son trajet ordinaire, était uni à la vessie par un petit conduit de la longueur denviron un pouce. On pouvait faire circuler de lair de la vessie au rectum, et réciproquement ; mais louverture était trop étroite pour permettre aux excréments de passer. Zacutus Lusitanus (Prax. med. admir.), fait mention dun enfant dont lanus était fermé par une membrane ; il rendait ses matières fécales par le canal de lurètre. Mais au bout de trois mois la voie naturelle ayant été rétablie, au moyen de la perforation de lanus, les excréments prirent leur cours par cet orifice, et lenfant vécut. La petite ouverture qui devait infailliblement exister à la vessie, soblitéra sans doute lorsque les matières fécales eurent trouvé un passage plus large, et dans une direction perpendiculaire favorable à leur entraînement. Morgagni rapporte quune fille de Bologne ne rendait point ses excréments par lanus, mais par la voie urinaire ; les matières sortaient délayées dans lurine, ce qui porte à croire que le rectum avait son ouverture dans la vessie. Chez le sujet que nous avons observé, et dont nous rapportons plus haut lobservation, de même que dans le cas cité par Mercurialis, le rectum navait rien de commun avec la vessie. Une fille de trois ans navait pas danus et rendait ses excréments par lurètre, ce qui ne nuisait point à sa santé ; elle avait même un embonpoint remarquable. Elle mourut sans quon put assigner une cause à cet événement. Lautopsie cadavérique fit découvrir que le rectum, courbé sous la vessie, aboutissait à lextrémité de lurètre, qui était plus grand quil ne lest ordinairement. Une fève de marais, arrêtée au passage du rectum dans lurètre, détermina les accidents qui produisirent la mort. (Hist. acad.) Poultier de la Salle a vu un enfant mâle, âgé de trois ans et demi, qui navait pas danus ; lenfant rendait ses matières fécales par la verge ; elles étaient ordinairement liquides ; lorsquelles avaient un peu de consistance, lenfant ressentait des douleurs coliquatives très-vives. Il naquit à Toulouse, en 1725, selon ce qui est rapporté dans le Mercure de France de la même année, un enfant dépourvu danus, et nayant ni fesses, ni même une ligne qui en marquât la séparation. On lui forma des fesses au moyen dune incision, et on pratiqua un anus par ce même moyen. Ces procédés hardis furent couronnés par un entier succès. Chez un enfant nouveau-né, louverture extérieure de lanus était bien conformée, mais le méconium ne sévacuait point. J. L. Petit porta un stylet dans le rectum, il ny put pénétrer au-delà dun pouce ; le célèbre chirurgien reconnut que lobstacle était formé par une membrane mince quil perfora avec un pharyngotome, et lenfant fut guéri. Une observation à peu près semblable est rapportée par Courtial ; il fut appelé pour un enfant qui rendait ses excréments par la bouche, bien que son anus fut ouvert ; le stylet ne pénétrant quà un travers de doigt dans le rectum, où il était arrêté par une membrane fort dure, Courtial introduisit un bistouri dans lintestin, parvint à détruire lobstacle, et le cours des selles prit la voie naturelle. Fabrice dAquapendente (Oper. chir.), dit avoir vu un enfant dont limperforation de lanus étant due à une membrane tendue sur son orifice, il enleva cette membrane avec le scalpel, et la voie naturelle se rétablit. Ce moyen vaut mieux que celui de Paul dEgine, qui conseille en pareil cas de déchirer la membrane avec le doigt. Une tache livide au lieu ou devait être lanus, indiquait seule cet orifice que recouvrait une membrane fort dure. Fabrice de Hilden pratiqua avec succès la perforation, le 4e jour. (Observ. chir. cent. i.) Roonbius raconte quune fille de quatre mois avait lanus si étroit, que la mère était obligée den évacuer les matières au moyen de son doigt ; insensiblement cette partie se rétrécit à un tel point, quelle ne laissait plus passer aucune matière ; le ventre se tuméfia ; il survint des anxiétés, de vives douleurs de coliques, de la fièvre ; il fallut fendre lanus avec un bistouri : on le dilata ensuite en y introduisant un instrument convenable ; les excréments sévacuèrent, et leur sortie fit cesser tous les accidents. Lanus dun enfant était imperforé, avec cette particularité que les parois de lintestin étaient collées lune à lautre, par une substance musculaire. J. L. Hager y introduisit une lancette, et reconnut que lobstacle était dans le rectum, à la distance de la seconde phalange du pouce ; lopérateur prolongea son incision, et donna un libre passage aux matières fécales. Nous avons eu occasion de voir lenfant dun juif, qui était né depuis sept jours, et navait pas encore rendu le méconium ; cet enfant était brûlant, et poussait des cris plaintifs et continuels ; le ventre était tendu, dur et douloureux. Nous reconnûmes à la nature de ses vomissements, devenus très-fréquents, quil évacuait ses excréments par la bouche. Nous ne trouvâmes nulle trace danus. Cependant une incision profonde de plus dun pouce, fit sortir quelques excréments mêlés de méconium. Lenfant expira peu dheures après cette opération. Nous reconnûmes que le rectum manquait, et que le colon se terminait auprès de los sacrum, ne communiquant ni avec la vessie, ni avec lurètre. Lopération faite deux ou trois jours plus tôt, eût infailliblement sauvé lenfant, dont nous trouvâmes les intestins gangrenés. M. J. B. Desgranges, médecin de Lyon, a fait louverture, à Morges, dun enfant mort le septième jour de sa naissance, faute davoir pu rendre les excréments ; lestomac était vide ; ce viscère, ainsi que le duodénum, étaient de la grandeur ordinaire. Le jéjunum, à un pouce de sa naissance, nétait pas plus gros que chez les autres sujets ; mais il allait ensuite en augmentant de plus en plus de volume, ainsi que liléon. La grosseur de ces deux intestins surpassait celle quils ont chez ladulte ; ils étaient boursouflés, brunâtres, amincis, prêts à se rompre, et remplis de méconium. A lendroit où liléon devait saboucher avec le ccum, le premier de ces intestins était entièrement fermé : il sattachait au ccum par un tissu cellulaire peu serré ; ce dernier nétait en quelque sorte dun gros nud charnu dont la cavité ne pouvait recevoir que lextrémité dune sonde cannelée. Le colon resserré sur lui-même, était étroit, et du volume dun ver lombric ou strongle. Il en était de même du rectum. Lieutaud cite lobservation dun sujet privé de la vessie urinaire. Les uretères étaient larges comme de petits intestins, et se terminaient au-dessous du bassin, dans lorifice du canal de lurètre. Le sujet était dans lobligation duriner fréquemment. Il mourut à trente-cinq ans, dune maladie étrangère à cette particularité de son organisation. Un homme mort à soixante-quinze ans, portait deux vessies urinaires, placées lune sur lautre, et chaque vessie avait une branche duretère. (Journ. de Trévoux, 17O2) On lit dans le troisième volume des Mém. de lacad. de Chirurgie , quun homme âgé de trente-deux ans, rendait ses urines par le nombril ; elles sortaient par un jet, comme sil eût existé un sphincter. Littre a vu un homme de dix-huit ans, chez lequel louraque était ouvert. Il est né il y a quelques années, à New-York, dans les Etats-Unis, une fille dont les uretères, au lieu de se trouver dans la vessie, souvrent extérieurement un peu au-dessus du pubis. Le mont de Vénus paraît manquer, il est remplacé par une carnosité rougeâtre ; cest dans cette carnosité quon remarque les uretères : lurine en découle continuellement ; elle sort par jet lorsque lenfant crie ou fait quelques efforts : on présume que la vessie manque. Les parties génitales participent un peu à cette singulière conformation : lombilic est situé beaucoup plus bas, et lanus plus antérieurement que dans létat naturel. Les autres parties de cet enfant sont bien conformées, et sa santé est bonne. (Medic, and. phisic., janv., 1805). Les annales de la science médicale ne nous offrent quun seul exemple dune femme privée de matrice. Le cas de cette singulière observation est rapporté par Lieutaud. Il ny avait chez le sujet nuls vestiges, aucuns annexes de la matrice : le vagin était le seul qui existât ; il se terminait supérieurement en cul-de-sac : cette disposition faisait que la femme ne pouvait remplir le devoir du mariage sans éprouver une douleur qui lui rendait le commerce de son mari insupportable. Le professeur Lobstein, de Strasbourg, a disséqué une femme qui avait deux matrices. Beaucoup de physiologistes pensent que cest dans ce cas seulement que la superfétation peut avoir lieu, ou plutôt que cest la double conception à des époques non coïncidentes, chez des femmes qui ont deux matrices, qui a donné lieu à la supposition de la superfétation. M. le professeur Dupuytren a rencontré, dans des recherches anatomiques, une femme de trente-huit ans, qui présentait le phénomène dune matrice bilobée. Le museau de tanche, au lieu dêtre divise en deux lèvres, et fendu transversalement, était formé de quatre tubercules sensibles au toucher, et séparés par deux fentes, lune transversale, et lautre perpendiculaire à celui-ci. Le doigt insinué dans leur intervalle les écartait facilement, mais il rencontrait bientôt, sur la ligne médiane, un obstacle qui le forçait à se porter sur les côtés, où il trouvait une ouverture à droite comme à gauche. Le col de la matrice, simple inférieurement, se séparait supérieurement en deux parties divergentes ; deux corps arrondis, et du volume dune matrice ordinaire, surmontaient chacun de ces cols, et tenaient lieu dune matrice bien conformée ; à chacun deux était lié un ovaire, une trompe, un ligament large, et un ligament rond seulement. Chacun deux recevait la moitié des vaisseaux et des nerfs que reçoit ordinairement la matrice. Une fille de quatre-vingts ans avait encore, à cet âge, la membrane hymen presque circulaire, et percée seulement au milieu. Le sujet a été vu et conservé par M. Sue, professeur et membre de lacadémie de chirurgie. Ce cas est infiniment rare, puisque lhymen se détruit de fort bonne heure par les introductions les plus innocentes, ainsi que par le passage des menstrues ; et que souvent, dailleurs, cette membrane nexiste pas, ou disparaît avec lenfance, tant elle est mince et fragile. Il est bien rare quelle soit aussi complète quelle létait chez la mère des Gracques, lillustre Cornélie, qui, au rapport de Pline le naturaliste, était venue au monde sa nature fermée par lhymen. Une femme de dix-huit ans avait lorifice du vagin fermé par une membrane si dure et si épaisse, que le membre viril de son mari ne pouvait franchir lobstacle quelle lui opposait ; il eut un paraphimosis, résultant de ses infructueuses tentatives : cependant cette femme fut explorée, et reconnue grosse de cinq mois. La membrane fut incisée, et quatre mois après la dame accoucha dun enfant à terme. (Guillemeau, des Accouchemens, liv. ij.) Cette observation nous en rappelle une qui nous est particulière. Nous fûmes appelés en consultation par un de nos confrères, pour sa femme qui, depuis trois jours, était dans le travail de lenfantement ; la tête se présentait dans la première position déterminée par Baudelocque, et nétait arrêtée que par lextrême étroitesse et la dureté de lorifice de la vulve : malgré la succession consécutive des vraies douleurs, et la pression opérée par la tête de lenfant, cet orifice avait à peine un pouce de diamètre ; il ressemblait à un ourlet de couture. Nous nous déterminâmes à agrandir au moyen de deux incisions de quatre lignes chacune, lune dirigée vers le pubis, et lautre sur le sacrum. La première douleur expulsive qui survint après cette dilatation, fit sortir lenfant. Cette dame est accouchée plusieurs fois depuis, avec la plus grande facilité. Son mari nous avoua quavant lopération que nous fîmes, il avait éprouvé la plus grande difficulté à remplir lacte conjugal. Fabrice dAquapendente, consulté pour une fille de quatorze ans, qui souffrait des douleurs aux cuisses et aux lombes, quon croyait dépendre dune affection sciatique, trouva une tumeur dure et douloureuse au toucher, située du côté droit de la matrice : cette tumeur augmentait de volume à lépoque où la révolution menstruelle semblait devoir se faire. Fabrice découvrit quune membrane qui fermait entièrement lorifice du vagin, sopposait à cette évacuation : il incisa cette membrane dans la direction de la longueur de la vulve ; le sang menstruel sécoula et la malade guérit. Borelli assure quun de ses amis ayant eu un commerce illicite avec une jeune fille, ne fit point lintromission ; il néjacula quà lextérieur de la vulve. Cependant la jeune personne devint grosse, malgré lexistence dune membrane semblable à celle décrite par Fabrice. Il fallait bien pourtant quil y eut un passage quelconque pour que la liqueur séminale pénétrât dans la matrice! Littre a connu une femme qui, pendant dix-neuf ans quelle fut mariée, navait pas eu denfant, à cause dun vice de conformation des parties génitales, qui ne fut reconnu quà sa mort, arrivée à cinquante ans. Lorifice interne de la matrice était bouché par un prolongement de la membrane interne du vagin ; cette membrane était percée de deux petits trous dun quart de ligne de diamètre, et cétait par là que passaient les menstrues, qui coulaient avec peine, et faisaient beaucoup souffrir cette femme, dont à cette époque le ventre se gonflait. On remarquait que, pendant cette crise, la malade crachait du sang et en mouchait, sans doute parce que le sang cherchait toutes les issues qui pouvaient suppléer à celle que la nature avait rendue si imparfaite. Le col de la matrice était deux fois plus long que chez les autres sujets, et les parois de la matrice beaucoup plus minces. Antoine Maître Jean a vu une femme mariée à seize ans, dont le vagin était si étroit, quà peine pouvait-on y introduire le tuyau dune plume doie ; il nétait fermé par aucune membrane ; les règles coulaient lentement, et transsudaient pour ainsi dire. Cette femme devint grosse, et ce nouvel état dilata insensiblement le vagin, qui sélargit assez pour permettre la sortie de lenfant. Une autre dame ayant une semblable conformation, le vagin ne commença à se dilater quau moment de linvasion des douleurs de lenfantement ; encore fallut-il le secours des doigts (Hist. Acad. 1748.) Mauriceau fit lopération de la nymphotomie à une femme chez laquelle lallongement excessif des nymphes déplaisait à son mari, et lincommodait elle-même. On a vu, à Venise, une fille publique dont le clitoris était osseux : cette conformation extraordinaire sopposait aux plaisirs du coït, ou du moins les mêlait de douleurs vives de la part de lhomme ; ceux qui sexposaient avec cette fille, éprouvaient des inflammations souvent très-considérables au membre viril. Vassisnieri rapporte lobservation dune femme chez laquelle on trouva deux matrices ; lorifice de lune communiquait avec le vagin, et lautre souvrait dans lintestin rectum. Il nest pas douteux que si cette femme eût consenti à souffrir des approches vénériennes par lanus, elle eût pu concevoir. Le fait rapporté par Louis ne permet pas dobjections à cet égard. Une jeune fille, dit ce célèbre chirurgien, avait les organes de la génération cachés par une imperforation qui ne laissait apercevoir aucune apparence de prélude et dintroduction. Cette femme fut réglée par lanus ; son amant, devenu très-pressant, lui arracha laveu de loutrage que lui avait fait la nature, en la privant de lorgane des plaisirs les plus doux : dans le délire de sa passion, il supplia son amante de consentir à ce quil sunit à elle par la seule voie qui fut praticable ; quelle femme peut résister aux brûlantes prières de lamant adoré? elle souscrivit à tout, et bientôt elle devint mère. Laccouchement à terme, dun enfant bien conformé, eut lieu par lanus. Louis rapporte ce cas dans une thèse qui a pour titre : De partium externarum generationi inservientium in mulieribus naturali vitiosa et morbosa dispositione, etc. Le Parlement rendit un arrêt par lequel il défendait de soutenir cette thèse. Louis fut interdit, persécuté par la Sorbonne, à cause de cette question, quil adressait aux casuistes. In uxore, sic disposita, uti fas sit, vel non, judient, theologi morales? Le grand pontife qui gouvernait léglise, le même qui avait protégé Voltaire, et sétait honoré en acceptant la dédicace de son Mahomet, le Pape, plu philosophe que le Parlement de la Sorbonne, donna labsolution à Louis, dont la thèse fut imprimée en 1754. Deux femmes, dit Vicq dAzir, navaient pas de vagin, cependant leurs maris, à la suite de divers essais souvent répétés, avaient tellement dilaté le canal de lurètre, quils étaient enfin parvenus à y introduire le pénis. Si ces faits sont vrais, ne doit-on pas penser que la nature, pour réparer en quelque sorte son erreur, avait donné à lurètre une dimension plus grande quà lordinaire? Nous avons connu un homme dont lurètre souvrait presquà la racine de la verge, et postérieurement ; le canal était figuré sur le reste de la verge, par une espèce de sillon, une échancrure qui avait environ une demi-ligne de profondeur, et autant de largeur ; elle se propageait jusquà la naissance du gland. Nous ne doutons pas quil fût le père des quatre enfants dont sa femme était mère. Le sperme, éjaculé avec énergie, suivait léchancrure, et se portait dans la matrice ; dautant que le membre érecteur était assez court et dune grosseur ordinaire. Un enfant né depuis trois jours navait pas uriné, le bout de la verge était tuméfié, et gros comme un uf de poule ; la verge était tendue et douloureuse. Nous reconnûmes que le prépuce était imperforé. Nous excisâmes avec des ciseaux le bout du prépuce, et les urines coulèrent. Le gland était environné dune croûte sédimenteuse assez épaisse, qui fut amollie par des ablutions émollientes animées avec du vin rouge. Lhermaphrodisme est certainement le cas le plus rare qui puisse entrer dans la série de ceux que présente lorganisation humaine. Réunir les deux sexes à la fois, avoir tous les attributs de lhomme et tous ceux de la femme, non-seulement dans ses parties sexuelles, mais encore dans tout le reste de lorganisation : nêtre quun et former deux êtres très-distincts, est la chose la plus rare que lesprit puisse concevoir. Beaucoup de savants ont nié la réalité de lhermaphrodisme, tandis que dautres, exagérant les faits quils avaient observés, ont établi comme une vérité incontestable quil est des individus doués de cette singulière conformation. Sans doute il en existe dont les parties génitales semblent au premier aspect, appartenir aux deux sexes ; qui, avec les traits de la femme, ont le visage garni de barbe, comme lhomme, en même temps quils ont des mamelles semblables à celles de la femme. Mais un examen éclairé fait bientôt reconnaître au naturaliste que le prétendu her-maphrodite nappartient réellement quà un sexe ; et cest ordinairement celui de la femme qui triomphe toujours ; du moins telle est lopinion qui résulte de mes lectures, et de mon observation personnelle. Chez les hermaphrodites qui réunissent le plus complètement les deux organisations de lhomme et de la femme, on observe que la première est constamment plus imparfaite ou moins développée que chez lhomme bien conformé ; souvent elle nest quune espèce de simulacre, une profusion, un jeu bizarre de la nature. Nous pensons donc quil faut reléguer parmi les fables, ces histoires où lon raconte que les hermaphrodites jouissent également des deux sexes, et en remplissent indifféremment les fonctions. De pareilles fictions que Conculix existait véritablement, lorsque nous lisons le poème inimitable où Voltaire sest montré légal de lArioste. Le cas dhermaphrodisme que je vais rapporter est peut-être le plus étonnant qui ait été observé par les médecins ; et dans la supposition quil ny ait rien dexagéré dans la description du sujet, il sera encore aisé de reconnaître quil navait de lhomme que des organes fallacieux, et que cest bien une femme que la nature avait créée. Au mois davril 1807, le docteur Handy a observé à Lisbonne un individu qui réunissait, au plus haut degré de perfection, les parties sexuelles de lhomme et de la femme. Cet individu avait vingt-huit ans, il était dune taille svelte ; ses traits étaient mâles et son teint brun. Il avait un peu de barbe quil était obligé décourter avec des ciseaux. Le larynx était semblable à celui dune femme. Le pubis, les testicules, le scrotum étaient situés comme ils le sont ordinairement, ils avaient la forme et presque le volume quils présentent chez lhomme adulte. Le prépuce recouvrait le gland en entier et pouvait en être éloigné de manière à présenter à nu une portion de cette partie, dont la totalité pouvait être sentie très-distinctement. La sonde pénétrait jusquau tiers de lurètre, elle éprouvait à cette hauteur une résistance que des efforts convenables, pour ne pas blesser le sujet, ne pouvaient vaincre. Les organes du sexe féminin étaient absolument semblables à ceux dune femme bien conformée, à lexception des grandes lèvres, plus rapprochées de lurètre et plus petites. Le poil qui les revêt était peu abondant. Les cuisses étaient moins grosses que chez le commun des femmes. Les os des îles de ce sujet étaient très-petits et moins écartés que chez les femmes. La voix, les manières et tout ce qui dans lhabitude sert à caractériser le sexe féminin assignait ce sexe à lindividu en question. Cet hermaphrodite avait ses règles tous les mois ; elle a été deux fois enceinte, mais elle a avorté au troisième mois, et au cinquième. Durant le coït, le pénis entrait en érection. Les parties qui appartiennent au sexe masculin étaient le siège dune sensation agréable et vive qui était plus particulièrement marquée au gland. Cet être extraordinaire na jamais cherché à sunir avec une femme quoiquil fut ardent au plaisir de lamour. (Journal de Médecine, tome xvii.) En lisant cette observation, lon voit que cet individu, le plus parfait de tous les hermaphrodites, puisquil avait des testicules et une verge, nétait quune femme ; il a engendré comme font les femelles ; il saccouple de même. Il a une verge, mais le canal de lurètre est imparfait, ce membre ne sert à remplir aucune fonction ; il a un peu de barbe, mais ne voit-on pas une foule de femme que la nature afflige de cette marque désagréable de virilité? Ses murs sont celles de la femme ; il en a toutes les parties sexuelles, la voix, la structure ; il est assujetti, comme elles, aux révolutions menstruelles. Il na aucun des goûts de lhomme. Si, chez lui, le pénis entre en érection pendant lacte vénérien, cela tient à un extrême développement de la sensibilité dans les parties de la génération ; et le pénis de cet hermaphrodite partage la propriété de se raidir, avec le clitoris dune grande quantité de femmes, ardentes aux plaisirs vénériens. Dans le courant de lan 7, les peuples de la Belgique se soulevèrent contre le gouvernement directorial ; les prêtres soupçonnés dêtre les instigateurs de linsurrection furent recherchés et poursuivis. Un individu habillé des vêtements dune femme, mais ayant lair dun homme, fut arrêté et conduit à Bruxelles, où jhabitais. Il était porteur dun paquet contenant lhabillement complet dun religieux, et fut emprisonné comme suspect, dêtre un moine ; il affirma quil était du sexe féminin, et déclara se nommer Marie Walkiers, et être marchande fripière : le département me chargea de vérifier son sexe et de lui présenter un rapport à ce sujet. En voici la substance : Marie Walkiers était âgée de vingt-huit ans, elle avait cinq pieds trois pouces de hauteur, son visage était couvert de barbe, comme celui dun homme très-velu, elle était obligée de se raser, elle avait la poitrine large et les bras vigoureux ; ses mamelles garnies de poils ressemblaient à celles dun homme. La poitrine, la région ombilicale et le pubis étaient très-velus. Les os du bassin étaient conformés comme chez la femme. Elle avait aux parties génitales une vulve dans la dimension de celles des femmes ; des grandes lèvres, une verge et au-dessous un scrotum dé-pourvu des testicules. La verge était imperforée ; elle était terminée par le gland, mais le prépuce manquait. Il ny avait point de vagin. A la racine de la verge ou du corps qui la simulait, et à un travers de doigt de lanus, il existait un trou dont lorifice était de forme ovoïde et pouvait permettre lintromission dune grosse plume de cygne : cétait par ce trou que sécoulaient les urines. Les parties génitales étaient environnées dune grande quantité de poils. Les cuisses, les genoux, les jambes et les pieds paraissaient appartenir à une femme. La voix était voilée, mais grêle comme celle dune femme. Je nhésitai pas à prononcer que Marie Walkiers nétait pas un homme, mais je demandai au département la permission de la garder encore quelque temps pour la bien observer ; je lui prodiguai tous les soins, toutes les consolations qui pouvaient adoucir sa captivité. Walkiers mapprit quelle navait jamais dérection ni de désirs pour son sexe; les recherches du nôtre flattaient son orgueil sans exciter ses sens. Peu de jours après, cette fille éprouva de vives douleurs aux lombes ; elles cessèrent au bout de vingt-quatre heures, par lévacuation des menstrues qui coulèrent avec abondance, pendant quatre jours. Je provoquai son élargissement qui fut ordonné. Une sonde de femme introduite par le anal dont jai parlé, pénétrait dans la vessie et favorisait la sortie des urines. Mes recherches nont pu me faire découvrir la matrice ; le canal allait directement à la vessie. Je ne hasarderai aucunes conjectures sur le lieu doù partait lécoulement menstruel ; je laisse ce soin à des anatomistes plus familiers que moi avec ces sortes de questions. Parmi les observations assez nombreuses recueillies par les médecins naturalistes, sur la réunion apparente des deux sexes, dans le même individu, je me borne à citer celle que feu M. Giraud, chirurgien de lHôtel-Dieu, a consigné dans le Journal de Médecine, rédigé par notre collègue, le docteur Sédillot. Ce cas offre une singulière particularité, cest que lindividu qui était essentiellement du sexe masculin passa pendant toute sa vie pour une femme, et fut uni pendant longtemps, par un lien volontaire, avec un homme qui remplissait auprès de lui loffice de mari et en goûtait les plaisirs comme sil eut exercé le coït avec une femme véritable. Lindividu en question présentait un assemblage extraordinaire des caractères mâles et femelles qui devaient le faire considérer au premier aspect comme un véritable androgyne. La distribution des organes de lappareil masculin était telle quils simulaient ceux du sexe opposé. Le buste était celui de lhomme ; une barbe dure couvrait le menton, le cou était gros, la poitrine large, les mamelles légèrement renflées ; les mamelons parfaitement ressemblants à ceux des hommes. Lautre moitié du corps semblait appartenir à la femme : les formes plus délicates, les fesses plus arrondies, le bassin plus évasé, les cuisses plus écartées que dans lhomme, simulaient exactement les caractères féminins. Les parties de la génération présentaient un membre viril imperforé, deux testicules ; les utricules manquaient aux vésicules séminales ; il existait une apparence de vulve qui conduisait à un canal vulvo-utérin, dont lentrée était garnie de tubercules qui semblaient former les débris de la membrane hymen. Il existait une espèce de vagin qui se terminait en cul-de-sac. Cet individu nétait, selon nous, ni homme ni femme, au moins quant aux actes de la génération : sa structure établit la preuve dune stérilité et même dune neutralité incontestable. (Journal général de Médecine, tome ii.) Le cadavre dun enfant de trois ans, mort dernièrement à Berlin, ne présenta ni à lextérieur ni à lintérieur, la moindre trace de parties génitales, soit de lun, soit de lautre sexe. Peu de jours après sa naissance on avait fait une incision entre lurètre et lanus, pour ouvrir le vagin quon soupçonnait devoir rencontrer. Il existait encore quelques traces de cette opération, mais auparavant la peau avait été parfaitement unie. Lorifice de lurètre nétait entouré daucun bourrelet et pouvait avoir la grandeur de la moitié dune lentille. On ne trouva rien entre le rectum et la vessie qui eût le moindre rapport avec les organes de la génération. Les goûts et le maintien de lenfant indiquaient un être du sexe féminin. Il fut baptisé comme une fille. (Journal de Médecine, par M. Hufeland.) Les accidents naturels qui changent la couleur de la peau sont trop fréquents pour que nous surchargions cet article de leur énumération : ces taches ou envies représentant des animaux ou certaines parties danimaux, des fruits et toute autre configuration, sont attribués, en général, aux impressions morales reçues par la mère dans les premiers temps de la gestation. Si le vulgaire, ami du merveilleux, a souvent cru voir dans ces envies des figures qui nexistaient pas réellement, sil les attribue trop généralement au pouvoir de limagination des femmes enceintes, il est pourtant vrai de dire, contre lopinion du professeur Richerand, quune vive et subite impression morale, reçue par la mère transmet souvent sur la peau de lenfant la figure de lobjet dont son imagination fut frappée. Je pourrais invoquer en faveur de ce système des opinions fort respectables, mon expérience et les observations multipliées des médecins éclairés ; mais ce nest pas ici le lieu de résoudre cette question. La couleur des albinos ne me semble pas reconnaître la même cause, et je vais rapporter un cas de cette nature, qui sest présenté récemment en France. Il existait à Rennes, en 1806, une petite fille âgée dun an, bien constituée, jouissant dune santé parfaite et de toute lintelligence qui est propre à son âge. Elle est sur de deux enfants, bien constitués et tous les deux bruns. Celui-ci a la peau dun blanc mât, les cheveux et les poils soyeux et de couleur crème. Ses yeux supportent difficilement la lumière ; leurs globes ont une vibration particulière, les iris sont légèrement rosées ; les paupières sont dun rouge vif. Un léger incarnat colore les joues et les lèvres. (Observations recueillies par le docteur Chardel.) Les albinos sont communs dans les climats très-chauds, habités par des races dhommes noirs ou de couleur cuivrée, tels sont lAfrique et certaines contrées du Nouveau Monde, par exemple dans listhme de Panama. En Europe et surtout en France, ces individus sont très-rares. Plusieurs naturalistes ont pensé que la couleur de la peau des albinos dépend dune maladie particulière, Blumenbach lattribue à une sorte de cachexie ; dautres lassimilent à la lèpre blanche. Nous ne pouvons avoir une opinion bien arrêtée à cet égard, nayant pas eu loccasion détudier la vérité sur des individus ; mais sil nous était permis den adopter une daprès nos lectures, ce serait celle de M. le professeur Hallé, qui pense que la couleur des albinos dépend dun accident particulier à la matière colorante et non pas dune cause morbifique. Je terminerai cette première section des cas rares par la description dun homme dont les bras, les avant-bras, les cuisses et les jambes ne sétaient pas développés. Marc Catozze, dit le petit nain, était né à Venise, de parents robustes et dune assez haute stature ; il avait plusieurs frères très-grands et bien conformés. Ce nain est mort à Paris, il y a peu dannées, à lâge de soixante-deux ans, des suites dune maladie chronique qui affectait le tube intestinal. LÉcole de Médecine a fait lexamen de son corps, et cest daprès son procès-verbal que nous publions les détails suivants. Le tronc de Catozze ne présentait aucune difformité ; et paraissait devoir appartenir à un homme de cinq pieds six pouces. A lexception du non développement de ses membres et labsence du scrotum, on ne voyait rien de remarquable à lextérieur. Ses membres pectoraux consistaient en une épaule très-saillante et une main bien confor-mée ; les abdominaux se réduisaient en une fesse aplatie, qui supportait un pied mal développé, mais complet dans toutes ses parties. Cet homme était très-connu par son adresse ; la force de ses mâchoires était étonnante. Comme il ne pouvait pas atteindre sa bouche avec lextrémité du doigt, sa plus grande difficulté aurait été de se nourrir seul et sans aide, si la conformation singulière de sa mâchoire inférieure ne lui eut fourni le moyen dobvier à cet inconvénient ; elle allait elle-même au-devant des aliments, par un mouvement de prostration et dabaissement simultané très-extraordinaire. Catozze marchait et se tenait debout sur ses pieds ; mais il éprouvait de la peine à saisir les objets situés au-dessous ou à une certaine distance de ses mains ; il était parvenu à les allonger, par laddition dun instrument très-simple : cétait un bâton creux en bois de sureau, de trois pieds de longueur, dans lequel se plaçait une tige de fer mobile et cylindrique de même longueur, et terminée à lune de ses extrémités par un crochet recourbé en hameçon et très-acéré. Voulait-il saisir un objet éloigné de sa main, boutonner sa culotte, prendre son gobelet, etc., il saisissait dune main son bâton et le poussait entre ses doigts de manière à en porter lextrémité armée du crochet vers la main libre ; tirant aussitôt la tige, il en portait le crochet vers lobjet quil voulait saisir, et le menait à lui. Lhabitude de se servir de cet instrument lui avait donné une telle adresse, quil ramassait sur la terre ou sur une table une pièce de monnaie. Cet homme était très-ardent aux plaisir de lamour. Dans sa jeunesse, il avait fait des exercices publics à cheval ; il sy tenait au moyen dune selle faite exprès pour lui. Il était robuste, dun caractère fort gai, il parlait très-bien et écrivait langlais, lallemand, le français et litalien. Il aimait la bonne chère, le bon vin et les liqueurs fortes. Il faisait quelquefois un quart de lieue à pied. Pour se reposer, il écartait un peu les pieds, cest-à-dire, quil en portait les pointes en dehors, il sappuyait en avant sur son bâton, et porté en arrière sur ses tubérosités ischiatiques, il restait ainsi des heures entières à converser. A la dissection, on remarqua les particularités suivantes: le tronc présentait une légère courbure dans la région des lombes. Le sternum très-large, la poitrine très-ouverte, les côtes peu mobiles ; le bassin moins oblique dans la ligne qui sépare le détroit supérieur; les tubérosités ischiatiques évasées, très-rugueuses; un grand écartement entre les branches du pubis : toutes ces différences paraissaient dépendre, dit M. le professeur Duméril, de la nature des mouvements. La tête dans les proportions ordinaires, la face saillante, le nez oblique et de travers, point dapophyses zygomatiques : elles étaient remplacées par deux grosses tubérosités de los jugal et temporal. La mâchoire inférieure presque entièrement horizontale, terminée en arrière par un très-gros condyle à surface plate, arrondie, privée des cartilages dincrustation et comme rugueuse, reçue dans une cavité glénoïde peu profonde, rude au toucher ; le mouvement de latéralité impossible, celui de prostration et dabaissement très-facile. Le masséter nexistait pas, et on nen voyait nulle trace; le reste dans létat ordinaire. Le membre thoracique formé dune clavicule presque droite, extrêmement épaisse à son extrémité sternale et très-applatie à la scapulaire ; lomoplate très-fort, portant des apophyses arrondies et coracoïdes allongées ; langle huméral remplacé par une petite tête sphérique ; absence complue de lhumérus, du radius et des cubitus ; la main composée des mêmes os que dans létat naturel. Ceux du carpe très-rapprochés entre eux. Lun deux tout-à-fait en arrière vers le scapulum, présentant une petite facette concave, reçue sur la tête de langle huméral de lomoplate : les phalanges non susceptibles dune extension complète donnaient aux doigts une forme crochue. Tous les muscles qui entourent la tête de los du bras avaient leurs tendons réunis par leurs bords, formant une bourse qui tenait lieu de capsule fibreuse au-devant de la petite tête de langle huméral du scapulaire ; doù il est évident que leffet de la contractilité de ces muscles devait être absolument nul. Les autres muscles tels que le grand pectoral, très-large du dos, grand, rond et deltoïde, se réunissaient sur un tendon commun placé entre le scapulaire et la main. Des prolongements allaient se fixer sur les os du carpe. On voyait encore quelques vestiges des muscles du bras et de lavant-bras ; mais ce nétait que des rudiments, surtout dans la partie charnue. Chaque doigt avait ses extenseurs et fléchisseurs propres et communs ; mais au lieu de leurs attaches connues, ils étaient fixés, soit sur le tendon de la tête du scapulum, soit sur celui qui provient du grand pectoral. La distribution des nerfs et des vaisseaux ne différait de létat ordinaire que par la longueur respective du tronc. Dans le membre abdominal, on trouva la tête du fémur avec les deux trochanter ; mais voilà tout ce qui existait de los de la cuisse. Un seul os, représentant le tibia, tenait lieu des os de la jambe. Il sarticulait avec le pied, mais il navait aucune connexion avec le rudiment du fémur et sarticulait sur lépine antérieure inférieure de los des îles, à laide dune extrémité arrondie, recouverte dun cartilage poli. Le pied composé du même os que dans létat ordinaire, mais disposé de manière que les orteils, plus crochus que les doigts de la main, nétaient pas susceptibles dune extension complète. Lappareil musculaire présenta à-peu-près les mêmes observations que dans les membres thoraciques ; on y voyait les rudiments de presque tous les muscles. Au fléchisseur de la jambe se réunissait un seul tendon, sur le côté inférieur du calcanéum, où il sinsinuait. Les extenseurs du pied avaient, en petit, la forme ordinaire. Tous les orteils avaient des extenseurs et des fléchisseurs ; leurs attaches supérieures étaient aux épines antérieures de los coxal et sur les rudiments du fémur et du tibia. Ce qui est remarquable, cest la symétrie parfaite qui existait du côté droit avec le gauche, dans cette conformation extraordinaire.
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