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- Pierre-Joseph Buc'hoz
- Dictionnaire des plantes
alimentaires qui peuvent servir de nourriture aux
différents peuples de la terre.
- Présenté par Jean-François
Buisson.
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- Extrait de la Présentation
de l'Edition
- Le dictionnaire dont nous publions
ici l'ultime version (comprise dans une compilation anonyme de
plusieurs mémoires publiée à Paris chez Samson, An XII-1803.
Cette édition est absente du catalogue des Imprimés de la BNF. La
première s'intitule Manuel alimentaire des plantes tant
indigènes qu'exotiques qui peuvent servir de nourriture et de
boisson aux différens peuples de la terre, Paris, J.P. Costard,
1771) fut le premier ouvrage de vulgarisation du genre.
- L'auteur, Pierre-Joseph Buc'hoz
(identifiable par la mention de sa grande collection d'histoire
naturelle ornée de 1616 planches (N° 288) : il ne peut s'agir que
de l'Histoire universelle du règne végétal, publiée en 25
livraisons in-folio à partir de 1772 à Paris) est un bien
intéressant personnage. Né à Metz en 1731, il est reçu avocat à
Pont-à-Mousson en 1750. S'intéressant alors à l'histoire
naturelle, il entreprend des études de médecine, est reçu docteur
à Nancy en 1759 et nommé médecin ordinaire du roi de Pologne. Il
commence alors sa première grande compilation, une Histoire des
Plantes de Lorraine, en 13 volumes. L'oeuvre de Buc'hoz, qui
concerne essentiellement la médecine et l'histoire naturelle est
immense : plus de 300 volumes, dont une centaine d'in-folio !
- Son oeuvre ne l'enrichit pourtant
pas. Il publie lui-même la plupart de ses ouvrages à ses propres
frais et s'y ruine en y investissant plus de 220 000 livres (ce qui
représenterait aujourd'hui près d'un million de nos Euros), en
ornant ses ouvrages de botanique des plus belles planches en couleur
publiées au XVIIIe siècle. Il y obtient les félicitations de
l'Académie des Sciences et une maigre pension, qu'il perd, tout
comme son titre de "médecin-botaniste de Monsieur," à la
Révolution. Son amour-propre extraordinaire le conduit alors à
réclamer son dû par des "adresses à la Convention",
puis un "Placet à Napoléon Bonaparte" qui, on s'en
doute, ne donneront aucun résultat. C'est
- dans cette période de misère
qu'est probablement remis en forme (la rédaction du Mémoire sur le
pain qui fait suite au dictionnaire, ne mentionnant pas les soupes
à la Rumford, est à coup sûr antérieure à 1799) le
dictionnaire, sans doute dans le but de se ménager les bonnes
grâces de la
- Convention. puis du Ier Consul. La
préface précise : "nous désirons que cet ouvrage soit [..]
d'un degré d'utilité absolu, et que nous puissions par là,
témoigner à nos concitoyens, le zèle qui ne cesse de nous animer
en leur faveur ; nous les invitons par reconnaissance d'avoir
quelques égards pour nous, et de nous honorer de leur bienveillance
[sic]."
- Ici, comme en d'autres ouvrages (de
médecine populaire par exemple) Buc'hoz se pose en philanthrope et
en bienfaiteur de l'humanité et n'hésite pas à critiquer les
ouvrages de ses confrères, et notamment du célèbre (en France)
Parmentier.
- Parmentier est le type même du
"serviteur fidèle de l'Etat." De Louis XVI à Napoléon
Ier, il obtient la confiance de tous, et met non seulement son
savoir (bien inférieur à celui de Buc'hoz), mais aussi et surtout
son authentique don de "publicitaire" au service du
régime en place.
- Buc'hoz est avant tout un
individualiste. La bataille entre le médecin-botaniste et le
pharmacien militaire était trop inégale et Buc'hoz ne pouvait la
gagner. Comme Balzac le fait dire à un de ses personnages,
"Parmentier, l'auteur de la pomme de terre, valait
trente Raphaël."
- A vrai dire, leurs vues sont
fréquemment en opposition totale.
- Parmentier, par ses expériences
dans la plaine des Sablons à Neuilly en 1785, est le promoteur
d'une agriculture intensive sur de grandes surfaces, qui prévaut
aujourd'hui, qu'il s'agisse de poly ou de monoculture.
- La conception qu'a Buc'hoz de l'agriculture,résumée
dans un paragraphe de son Mémoire sur le pain, s'appuie sur une
bonne gestion des ressources naturelles :
- " [...] un agriculteur
appliqué et entendu, et en général, tous les habitans de la
campagne pourraient, dans la saison, rassembler une telle provision
de semences, de racines et de fruits, propres à leur nourriture,
qu'ils n'auraient besoin que de très-peu de grains pour leur
entretien, et celui de leur famille ; ils pourraient pour lors
vendre la plus grande partie de leurs légumes, et presque tout le
grain qu'ils recueilleraient sur leurs terres ; il n'est pas si
difficile qu'on pense, de s'accoutumer à de pareils alimens ; on
voit des peuples entiers ne se nourrir, pendant toute l'année, que
de châtaignes, et d'autres fruits farineux ; on en voit qui ne
connaissent qu'une sorte de pain, qui serait fort étrange pour nous
; d'autres qui ne mangent que des racines ou des fruits. "
(Mémoire sur le pain, pp. 295-296.)
- Les vues de Buch'oz, qui pouvaient
sembler totalement utopiques il y a encore quelques années, sont
aujourd'hui étonnamment d'actualité. D'une part des études
menées récemment au sein de la Communauté Européenne ont mises
en évidence les potentialités économiques de certaines plantes
sauvages et à encourager leur culture : [ortie, bourrache...].
- Parallèlement, on assiste à la
naissance de diverses agricultures alternatives souhaitant se
rapprocher de la nature. Des réflexions menées dans les années
1970 sur la culture dite "biologique" ont notamment
conduit à la notion de permaculture, dans laquelle
l'agriculteur crée (ou recrée) initialement un environnement
naturel ayant un avenir intrinsèquement viable, et se contente par
la suite d'entretenir minimalement celui-ci et... ...d'en recueillir
les fruits. Les très faibles rendements de la permaculture ne lui
permettent de se développer réellement que dans des pays
(Australie, Etats-Unis...) où le taux de l'impôt foncier ne
constitue pas un obstacle majeur à son implantation, en la privant
de tout espoir de rentabilité.
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- Le "Maître d'oeuvre" de
cette édition à qui nous disions que Buc'hoz était bien malmené
dans les dictionnaires, n'a pas caché sa colère devant tant
d'injustice :
- "Sur Buc'hoz : on a dit
beaucoup de mal de lui pendant tout le 19e, je crois qu'il mérite
d'être réhabilité et qu'il l'est en partie : sa Flore de Lorraine
est toujours considérée comme une référence importante en
botanique et j'ai même trouvé plusieurs de ses planches en ligne
(y compris en posters). Son nom est toujours associé à pas mal de
végétaux, notamment culinaires (un arbre aux pois
chinois(cataranga sinensis), une sauge d'Amérique centrale (salvia
coccinea)), qu'il a bel et bien été le premier à identifier et
qui auraient suffi à asseoir la renommée d'un individu qui se
serait arrêté là. Son seul problème c'est d'avoir donné dans la
polygraphie, et c'est un talent rarement considéré en France. Il a
fallu 50 ans pour que Monselet exhume Mercier de l'ombre et beaucoup
plus pour qu'il soit à nouveau vraiment lu au bout de 200 ans.
- Ce dictionnaire est un bouquin
aussi curieux qu'intéressant. Enfin, c'est ce que je crois :-)
- JFB"
- que rajouter ?
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- Extraits du Dictionnaire :
- ANONA glabra.
La guanabane lisse. Son fruit est bon à manger, fort doux,
mais un peu insipide, ce qui fait qu’il n’y a que les nègres
qui en mangent.
- BETA vulgaris.
La bette rouge. Sa racine contient beaucoup de sucre et de sucs
nutritifs, mais l’eau enlève le sucre en grande partie, lorsqu’on
la fait bouillir ; il faut donc la faire cuire au four ou sous la
cendre, lorsqu’on veut conserver sa saveur sucrée. Margraff a tiré
de cette racine un sucre pur et assez abondant ; ce savant chymiste
assure positivement que le sucre qu’on en tire, est le même que
celui qu’on tire des cannes. On a renouvelé de nos jours ses
procédés, même à Paris ; cette racine est fort saine ; beaucoup de
gens s’en accomodent ; on la mange en salade avec la mâche ou
céleri, cuite de la façon indiquée ci-dessus ; on la mange aussi
avec l’oignon cuite sous la braise, accompagnée de capres, de
capucines, d’anchois et de cornichons ; c’est une des salades d’hiver,
qui fait le plus d’honneur et de plaisir sur une table bien servie :
on l’apprête encore à la poële, avec l’oignon roussi dans le
beurre, mais ce ragoût n’est pas estimé à Paris. La bette-rave
pousse dans les serres de petites feuilles dont on fait usage pour les
salades de cette saison ; elles sont agréables par leur couleur vive,
qui tranche avec le blanc.
- CARTHAMUS tinctorius.
Le safran bâtard. En Angleterre, on colore avec le safran
les potages et autres mêts ; le peuple en met sur-tout dans les
pudings et gâteaux ; mais il arrive que, lorsque la dose est trop
forte, les pudings occasionnent un flux de ventre.
- CORNUS Suecica.
Le cornouiller de Suède. On prétend que les baies de cet
arbuste sont nuisibles ; cependant Linnée en a fait manger à
plusieurs enfans, sans qu’il leur soit arrivé aucun accident.
- CYNOSORUS coracanus.
La queue de chien corocane. Quand la semence est nouvelle, on
la fait cuire avec sa balle, ce qui fait qu’elle occasionne un bruit
en la mangeant, comme si on mangeait des pédicules ; quand elle est
vieille, on la macère dans l’eau, on ôte les balles, et on la cuit
en forme de bouillie.
- DIOSCOREA triphylla.
L’inhame à trois feuilles. On prépare la racine de cette
plante de manière à pouvoir servir de nourriture à l’homme,
quoiqu’elle renferme un suc si nuisible et si caustique, que si on
le touche, il enlève l’épiderme et occasionne des excoriations,
aussi les sangliers n’y touchent jamais, et elle est par-là
purement réservée à l’homme, qui sait la préparer. Pour ce
faire, on la coupe par morceaux, lorsqu’elle est récente ; on
couvre ces morceaux de cendres pendant 24 heures ; on les lave
ensuite, pour les mettre dans des corbeilles, et on met par-dessus
des grosses pierres ; on les fait macérer pendant deux jours et
deux nuits dans l’eau de mer, après quoi on les relave de nouveau
avec de l’eau de pluye, on les fait sécher au soleil ; on les
remet encore macérer dans de l’eau de mer, avec des pierres
par-dessus, comme la première fois ; on les relave, et on les fait
encore sécher : on réitère cette opération jusqu’à ce que
cette racine ait perdu toutes ses qualités vénéneuses, ce que l’on
reconnaît lorsque les poules en mangent sans ressentir de vertiges.
Il faut dix jours entiers pour bien préparer cette racine ; on peut
pour lors la moudre et en faire du pain. Quand elle est mal
préparée, elle occasionne de la rougeur au visage, un mal-aise par
tout le corps, et des vertiges ; le sang bouillonne ensuite, les
membres enflent, et il s’ensuit une diarrhée, et quelquefois le
vomissement : le remède contre cet accident, c’est de boire de la
lymphe de calappus, de se laver le corps avec de l’eau froide, et
de prendre un peu de corail ; on guérit les crevasses et brûlures
des mains en les frottant avec de la cendre chaude.
- DURIO zibethinus.
Le durion. Les fruits de cet arbre sont gros comme les
mélons, ils paraissent d’abord désagréables au goût, à ceux
qui n’en ont point encore mangé, et d’une odeur d’oignons
pourris, mais après s’y être habitués, on trouve que le goût
en est exquis. Les Indiens le nomment duryovon ; quand ils
craignent d’en avoir trop mangé, ils mâchent du béthel pour
prévenir l’indigestion.
- GARCINIA mangostana.
Le mangostan. Le fruit de cet arbre est le meilleur et le
plus salutaire de tous les fruits, lorsqu’il est mûr, il est de
la grosseur de la pomme douce, et il approche pour le goût des
raisins ; toute sorte de malades en peuvent manger ; on a même
observé que les malades qui ont en aversion tous les autres
alimens, trouvent toujours bon le mangostan, et quand ils ne s’en
soucient plus, c’est mauvais signe.
- IRIS tuberosa.
L’iris tubéreux, l’hermodacte. On dit que les
hermodactes, lorsqu’elles sont séchées et rôties, servent de
nourriture aux Égyptiens, et sur-tout aux femmes, ce qui les
engraisse, à ce qu’on croit.
- LECYTHIS minor.
La quatelée petite. On prétend que ses fruits sont bons à
manger, d’autres disent qu’ils sont vénéneux. Jacquin a
essayé d’en manger, il les a trouvés d’une saveur
très-agréable, mais une demie heure après il eut des nausées,
des anxiétés et une douleur de tête qui ne lui étaient pas
ordinaires.
- MATRICARIA camomilla.
La camomille commune. Pringle a saupoudré de fleurs de
camomille, du bœuf maigre ; la viande ne contracta aucune odeur désagréable,
pendant plusieurs jours qu’il la garda, et sa substance était si
ferme, si dure et si sèche, qu’elle paraissait incorruptible. On a
mis encore de la viande suffisamment corrompue, dans une infusion de
ces mêmes fleurs, après avoir pompé l’air contenu dans la viande,
l’odeur désagréable se dissipa avant le troisième jour, et la
même viande ayant été mise dans une semblable infusion nouvelle,
elle s’y est conservée pendant un an, ferme et saine ; ce qui
prouve que la camomille est anti-septique, et qu’on pourrait par
conséquent s’en servir pour conserver la viande pendant l’été.
- PEGANUM harmala.
Le pegane harmala. En Turquie les semences de cette plante se
vendent au marché, on s’en nourrit en guise d’alimens ; elles
enivrent, réjouissent, excitent les idées de voler dans les airs, et
font oublier le passé. Linnée prétend, dans ses amenités
académiques, que c’est avec cette semence qu’était fait le bol
que Kempfer avala dans un repas chez les Perses, qui lui occasionna un
ris, à suffoquer, une joie inexprimable et toute sorte de manières
enjouées, et à la fin du repas, lorsqu’il monta à cheval, et
quand il y fut, il crut être le cheval Pégase, voltiger comme lui
dans les nues et dans les arcs colorés de l’iris, et souper enfin
avec les Dieux ; le jour suivant il ne lui resta aucun souvenir de
tout cela.
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- 732 plantes sont décrites, parfois
en deux lignes seulement mais toujours avec cette même
"indépendance".
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