 |
- Jean-Pierre Brisset
- La Natation ou l'art de nager.
-
- La natation est lart de se
mouvoir dans leau.
- Malgré tous les traités qui ont
été publiés sur cet art, la natation
nest encore aujourdhui que
lapanage du petit nombre. Cela tient à ce
quon na pas su mettre à la portée
de toutes les intelligences et de toutes les
bourses des méthodes simples et claires,
permettant dapprendre, en peu de temps,
sans fatigue et sans efforts.
- Si ce petit traité peut devenir
populaire, tout le monde saura bientôt nager,
excepté ceux quun naturel indolent rend
ennemis de tout mouvement. Il nest pas
besoin de gros volumes pour apprendre un art qui
ne consiste quen quelques mouvements
coordonnés.
- Les plaisirs que donne la
natation, les services quelle peut rendre
ne sont mis en doute par personne.
- Tout le monde a le plus grand
désir de savoir nager, mais lon croit
volontiers que cest difficile, ou
quil faut apprendre de jeunesse.
- Ce sont là deux erreurs. On peut
apprendre facilement à tout âge.
- Dautres prétendent
quil suffit de navoir pas peur. Cela
prouve que la majeure partie des nageurs nagent
sans bien savoir comment.
- Dire que la peur empêche
lhomme de nager, cest le prendre pour
le plus timide des êtres vivants.
- Le cheval, si facile à effrayer,
et tant dautres animaux redoutant
leau, nagent lorsquon les force
dy entrer.
- Mais que lhomme le plus
brave et le plus hardi, ignorant de la natation,
soit mis dans un bassin deau de douze
décimètres de profondeur, il pourra bien se
débattre avec vigueur, se coucher dans
leau et y disparaître un moment, mais il
ne nagera pas. Un grand nombre de marins ne
savent pas nager : est-ce la peur de
leau qui les en empêche ?
- Quant à ce que beaucoup
denfants apprennent naturellement quand ils
vont souvent se baigner, au lieu den
déduire quon ne peut apprendre que de
jeunesse, on devrait en conclure que ce ne doit
pas être difficile.
- Jusquà présent, ceux qui
ont écrit sur la natation devaient être des
nageurs de jeunesse qui navaient pas été
aux prises avec les mille difficultés qui se
présentent à lélève dun âge
mûr, ou qui, les ayant oubliées, ont écrit en
nageurs pour des gens sachant déjà.
- Ainsi, par exemple, pour faire la
brasse, moyen général et le plus simple de
nager, tous les traités indiquent comme point de
départ les talons rapprochés, les coudes au
corps. Or cette position est la meilleure que
lon puisse prendre pour aller au fond.
- Quand lélève est dans
leau, sil veut prendre cette
position, il commence par placer les bras,
ensuite il rapproche les talons des fesses, mais
à mesure quil les rapproche il
senfonce ; il recommence, le même
effet se reproduit. Alors il se décourage et
renonce souvent à ce quil désirait tant.
-
- ExposÉ de la mÉthode
-
- La plus grande cause que peu
dadultes apprennent à nager, vient de ce
quon veut leur donner les leçons dans
leau. Outre que les écoles de natation et
les maîtres sont en petit nombre, à cause de la
morte saison, tout le monde ne peut se payer un
professeur, et, dans ce cas, la crainte naturelle
que leau inspire ne permet pas à
lélève de bien se rendre compte des
mouvements quon lui fait faire.
- Comment exécuter ce quon ne
comprend pas ?
- La natation est un duel continuel
avec un élément qui nattend quune
faute de qui le brave pour lengloutir.
- Ce nest pas sur le terrain
quon apprend à manier une épée.
- On doit de même savoir nager
avant daller à leau.
- Les armes de la natation sont les
jambes et les bras. Quand ces membres sauront ce
quils ont à faire, ils sont trop
intéressés à la conservation du corps pour le
laisser noyer.
- Aussi les nageurs qui veulent se
suicider par ce moyen sont-ils obligés de
sattacher une pierre au cou.
- Lidée dapprendre les
mouvements de la natation avant daller à
leau, quoique peu connue, nest pas
nouvelle ; mais jusquà présent on a
fait exécuter ces mouvements debout ou sur le
ventre.
- Le premier moyen ne peut former un
nageur, le second rebute dès le premier essai.
- Daprès cette méthode, les
exercices se font sur le dos ; la brasse se
commence le corps développé au lieu
dêtre raccourci.
- Ce sont là les deux points
essentiels.
- La théorie de la natation y a
aussi un développement quon ne trouve pas
dans les traités élémentaires.
- En exécutant les mouvements sur
le dos on évite la gêne et la fatigue
insupportables que lon éprouve lorsque le
poids du corps porte en entier sur la poitrine,
ce qui suffit pour décourager lélève.
- Par ce moyen on na besoin ni
de tabourets, ni de pliants. Les yeux voient le
mouvement des membres. On comprend ce que
lon fait.
- Prescrire la position raccourcie,
comme point de départ, cest commencer par
la difficulté.
- La position développée est celle
que le corps garde le plus longtemps dans
leau. Le nageur prend confiance dès le
premier mouvement.
- Nest-ce pas toujours par la
brasse que les enfants shabituent à
nager ? On nage le corps développé et non
raccourci. Pour se tenir un instant raccourci, il
faut déjà savoir nager.
- Quobjectera-t-on à cette
méthode ?
- Quon ne nage pas sur le
dos ? mais, tout le monde sait le contraire.
Les mouvements des jambes, les seuls qui
présentent une certaine difficulté, sont
absolument les mêmes dune manière comme
de lautre.
- Quil faut faire à sec sur
le ventre, ce qui doit se faire ainsi dans
leau ? Lobjection ne vaut rien,
car lorsquon sait exécuter les mouvements
natatoires dune façon, rien
nempêcherait de les exécuter autrement,
si cétait nécessaire. La seule chose
importante, cest de savoir. Le seul moyen
ny fait rien ; le meilleur, cest
le plus simple, le plus commode et le moins
coûteux.
- Nager nest pas naturel. Cela
présente deux difficultés :
- Faire agir les jambes ;
- Coordonner les mouvements des
jambes avec ceux des bras.
- La première difficulté est
évidente ; il est facile de comprendre la
seconde : étant assis, on fait toucher les
talons, ou tout simplement les genoux ; on
place les mains au-dessus, se faisant face et
écartées de trente centimètres environ. Dans
cette position, on fait toucher les mains en
même temps quon écarte les genoux, ou les
talons, puis on ferme les genoux, en même temps
quon écarte les mains.
- En faisant cela, on
saperçoit tout de suite que les mains et
les genoux, ou mieux les bras, tendent à
sécarter et à se rapprocher en même
temps.
- Or, dans la natation, les jambes
doivent se rapprocher quand les bras
sécartent, les mains se joindre quand les
talons se séparent et vice versa.
- Il faut donc devenir maître de
cette tendance naturelle des membres et habituer
les jambes à agir comme elles doivent le faire
dans leau. Cest ce que lon
obtient en répétant lexercice suivant,
qui comprend les trois mouvements du nageur.
- ThÉorie des mouvements natatoires
- On se couchera sur le dos soit sur
le gazon, soit sur un tapis, un lit, etc.
Limportant est que les membres ne soient
gênés par aucun obstacle.
- On prendra la position
suivante :
- Position de départ : les
bras allongés de toute leur longueur au-dessus
de la tête, les mains ouvertes et se touchant
par le plat ou la paume. Les doigts réunis, le
pouce collé au premier doit. Les jambes
allongées et écartées autant que possible, les
jarrets tendus, la pointe des pieds en dehors.
- Premier mouvement :
rapprocher les jambes lune de lautre,
les jarrets tendus, les genoux et les talons se
touchant, les pieds ouverts. Écarter en même
temps les mains de quinze à vingt centimètres
en tournant la paume en dehors.
- Deuxième mouvement :
décrire lentement un demi-cercle avec les bras
et lorsquils sont tendus en croix (fig. 3),
rapprocher les coudes près du corps, un peu en
avant (fig. 4), réunir les mains dont les paumes
viennent se toucher, les pouces en avant, les
bras relevés, les doigts à hauteur de la bouche
(fig. 5). Pendant que les bras décrivent leur
demi-cercle, ployer lentement les jambes en
écartant les genoux autant que possible, la
pointe des pieds baissée, les talons se touchant
toujours et les amener aussi près des fesses que
faire se pourra .
- Troisième mouvement :
allonger vigoureusement les jambes en écartant
les talons pour revenir à la position de
départ. Allonger en même temps les bras sans
précipitation .
- Continuer ainsi, les jambes et les
bras plus ou moins soulevés pour les mouvements.
Aussitôt quon éprouve un peu de fatigue,
on sarrête un instant pour reprendre
ensuite.
-
- RÉpétitions de lexercice
-
- On répétera cet exercice six
cents fois ; trois cents fois tel quil
vient dêtre décrit, et trois cents fois
en faisant seulement fonctionner les jambes, les
bras au repos. On y consacrera deux séances par
jour, le matin et le soir de préférence, étant
déshabillé.
- A chaque séance on répétera
lexercice vingt-cinq fois de chaque
manière.
- Chaque séance demande moins de
cinq minutes.
- Or, tout le temps à y consacrer
est de moins dune heure.
- Il est indispensable dy
mettre quelques jours pour que le corps
shabitue peu à peu à ces mouvements et
arrive à les exécuter machinalement. Cependant
ceux qui auront hâte de savoir pourront doubler
les exercices et apprendre en trois jours.
- On donne un nombre
dexercices à faire, car il ne suffit pas
de savoir comment on fait ; il faut savoir
faire et bien faire.
- Comme, en résumé, cela demande
peu de temps, il sera bon de ne pas se baigner
avant davoir achevé les exercices à sec,
car si on constate quon nage un peu, on les
négligera, et si on na pas fait de
progrès, on se découragera.
- Bien que le nombre
dexercices donné soit généralement plus
que suffisant et que le succès soit assuré à
celui qui les fera tous, il doit cependant être
considéré comme un minimum. Les personnes
faibles, peu habiles et celles qui ne se
sentiront pas encore assez au courant, feront
bien de les continuer quelques jours de plus. Ce
ne sera jamais perdu. Ces mouvements ont
lavantage de développer les membres, de
leur donner de la force et de la souplesse. On
nagera dautant mieux quon les fera
plus aisément.
- Avant chaque répétition il sera
bon de relire la théorie des mouvements, de
crainte doublier quelque chose
dimportant.
- Du dÉpart dans leau
- Les exercices à sec étant
achevés, le nageur ira à lécole de
natation ; à défaut détablissement
de bains, il choisira un endroit où leau
soit peu courante, en un mot, un endroit pas
dangereux et qui offre un espace assez grand pour
sy exercer sans perdre pied.
- Il marchera hardiment
jusquà ce quil ait de leau
jusquà la poitrine ; puis, se
tournant vers la rive, il prendra debout la
position de départ. Il se couchera sur
leau, sur le ventre, bien entendu, la tête
un peu relevée. Quand les mains toucheront
leau, il rapprochera les jambes, écartera
les bras et leur fera décrire un grand
demi-cercle tout en rapprochant les talons des
fesses et il continuera lentement lexercice
comme sur son lit.
- Sil ne trouve pas un endroit
sûr pour les premiers exercices dans leau,
il se fera attacher par les épaules et la
poitrine au moyen dune corde dont
quelquun tiendra le bout, afin dêtre
soutenu et retiré au besoin.
- Mais sil a bien fait tous
les exercices prescrits, cela sera bientôt
inutile, car il sentira aussitôt quil sait
nager.
- Toutefois il ne devra pas faire
dimprudence et, pour devenir un bon nageur,
il devra prendre lhabitude daller
souvent se baigner.
- ThÉorie de la natation
- Le corps humain est dune
densité à peu près égale à celle de
leau.
- Si on voulait plonger brusquement
un homme dans leau, on serait obligé
dappuyer dessus fortement, laissé à
lui-même il senfoncerait lentement.
- Leau est un liquide plus
dense, plus lourd à mesure que lon y
descend.
- Si on jette un bâton sur
leau, il sarrêtera à la surface. Si
on le saisit par le milieu et quon veuille
lenfoncer, il faudra un certain effort, il
faudra peser dessus.
- Leffort achevé, si on
laisse le bâton libre, il revient naturellement
sur leau, mais si on veut le retirer
brusquement leau, au lieu de le repousser,
semble le retenir.
- Si lon agite ce bâton
horizontalement entre deux eaux, on éprouvera
une certaine résistance et il aura une tendance
continuelle à revenir à la surface.
- Cette résistance et cette
tendance seront dautant plus fortes
quon lagitera plus vivement.
Cest par la même raison quune pierre
jetée à leau dune certaine façon,
en ressort et fait des ricochets.
- Ainsi, un corps un peu moins dense
que leau, le bâton, par exemple, ne
senfonce que si on appuie dessus, et il
revient naturellement à la surface, mais
lentement. Un corps agité horizontalement dans
leau tend à revenir dessus, et même à en
sortir, comme le caillou.
- Donc leau noffre
presque pas de résistance aux mouvements
lents ; mais elle en offre une très grande
aux mouvements vifs et rapides.
- Cest là une simple remarque
qui aidera à comprendre comment et pourquoi on
nage.
- Le bassin et la tête sont les
seules parties du corps humain qui soient un peu
plus denses, plus lourdes que leau. La
poitrine et les membres peuvent être assimilés
au bâton : ils ne senfoncent que si
on appuie dessus, et ils reviennent naturellement
sur leau, en tant que le bassin et la tête
ne les en empêchent pas.
- Pour se soutenir sur leau,
il faut donc mettre de la force dans les
mouvements qui la refoulent, et laisser les
membres revenir lentement à leur position
dimpulsion.
- Or, cest ce qui arrive en
effet : comme on le démontrera plus loin,
le mouvement de rapprocher les jambes soulève le
corps. A ce moment les mains se séparent et
aussitôt les bras décrivent leur demi-cercle et
tendent à sortir de leau où le poids du
corps les maintient. Dans ce mouvement, les mains
appuient de haut en bas et davant en
arrière.
- Le mouvement de rapprocher les
coudes et les mains soutient aussi le corps, mais
ne le fait plus avancer ; il se fait assez
vivement, car on sent quon va enfoncer, et
avant de détendre les jambes, il faut que les
mains soient réunies.
- On ne porte pas les bras en
arrière, car leur impulsion ne serait plus assez
forte pour soutenir la tête qui plongerait. On
rapproche les mains, le bord supérieur en avant,
de manière à toujours appuyer sur leau.
On rapproche les coudes pour donner moins de
surface aux bras lorsquils se portent en
avant.
- Pendant que les bras servent à
soutenir et à faire avancer le corps, les talons
se rapprochent lentement des fesses, lentement,
car si on y mettait de la force, les cuisses
présentent une assez grande surface,
leffort que ce mouvement nécessiterait
nuirait à la traction des bras. Cest aussi
pour diminuer les surfaces de résistance
quil est bon de baisser la pointe des
pieds.
- On allonge vigoureusement les
jambes, car plus ce mouvement est vif, plus la
résistance de leau est grande et plus
forte est limpulsion qui en résulte.
Cest pour nuire le moins possible à cette
impulsion quon allonge les bras sans
précipitation : on diminue aussi la
résistance des épaules, en renfonçant un
instant la tête dans leau.
- En rapprochant les talons des
fesses, on écarte les genoux, car les cuisses
réunies offriraient une plus grande résistance
que séparées ; et, si ensuite en les
allongeant on voulait les écarter, on annulerait
leur impulsion, le corps
senfoncerait ; si on voulait nager les
jambes jointes, on perdrait la force que
lon obtient, lorsquon les rapproche
après les avoir déployées.
- Ainsi donc, fermer les jambes
porte le corps en avant, les ouvrir le porte en
arrière et daprès leur direction vers le
fond de leau.
- Les mouvements des jambes sont
très importants.
- Cest dans les jambes
quest la natation.
- Cest pour cela quon
doit leur faire exécuter plus dexercices
à sec quaux bras dont les mouvements sont
faciles.
- On peut quelquefois, dans ces
exercices, saider des mains pour obliger
les talons à se rapprocher des fesses, et les
genoux à sécarter. On garde un moment
cette position forcée.
- Pour bien comprendre le mouvement
des jambes, on suppose deux planchettes réunies
à un bout par une charnière vers le milieu. Le
tout pouvant se ployer et se tendre au moyen
dattaches. cela donne la forme dun
grand compas dont chaque branche peut se plier en
deux.
- Cest là aussi une figure de
nos jambes : chaque planchette en
représente une ; les charnières sont les
genoux.
- Si on se place debout dans
leau jusquà la poitrine, et
quon sappuie sur lestomac, la
charnière du milieu, les planchettes tendues en
avant et écartées, et que, dans cette position,
on veuille les rapprocher lune contre
lautre, on se sentira rejeter en arrière
et dautant plus fort quelles seront
plus écartées et quon agira plus
vigoureusement. A linverse, étant
fermées, si on veut les ouvrir, on sera porté
en avant.
- Par quel moyen arrivera-t-on à
les ouvrir sans être porté en avant ?
- Si on écarte les charnières
représentant les genoux, les bouts
représentants les talons restant joints, et
quon le fasse avec une certaine lenteur, on
éprouvera fort peu dentraînement. Arrivé
à une ouverture à peu près égale à celle
quun nageur peut donner à ses jambes, si
on fait tendre vivement les planchettes, les
parties représentant les cuisses ne bougeant
pas, on sera de nouveau rejeté en
arrière ; mouvement qui se continuera si,
ainsi quon la montré, on rapproche
les planchettes.
- Or, ce sont bien là les
mouvements que les jambes exécutent :
mouvements très justes, très rationnels, mais
non pas naturels.
- On peut faire cette expérience
avec les bras. Mais en les fermant, il ne faut
pas trop rapprocher les mains, car les bras ne se
joignent pas aux épaules de la même manière
que les cuisses.
- Il est inutile de dire que le
nageur est porté en avant, quand
lexpérimentateur est poussé en
arrière ; quil le serait en arrière
et vers le fond dans le cas contraire, si en ce
moment les bras ne lentraînaient, par une
force supérieure, dans la direction opposée. On
remarquera que les bras entraînent le corps et
que les jambes, placées derrière doivent le
pousser. Les jambes manuvrent donc
dune manière opposée aux bras ;
elles agissent en se rapprochant et les bras en
sécartant.
- On voit encore que tous les
mouvements du nageur refoulent leau en
arrière et en dessous, excepté :
rapprocher les talons des fesses, allonger les
bras et séparer les mains. Ces derniers
refoulent leau en avant seulement, la
compression de leau suffisant pour les
porter vers le haut.
- Pour atténuer la résistance de
leau il faut, pour ces mouvements, agir
lentement, car on éprouve peu de fatigue à
agiter un bâton dans leau si on le fait
lentement.
- On remarquera aussi quavant
que les bras aient achevé leur action, les
jambes sont déjà prêtes à commencer la leur,
et que les bras sont également prêts bien avant
que limpulsion des jambes soit terminée.
Le nageur ayant toujours ainsi une réserve ne
peut être surpris.
- Les mouvements de la natation sont
tellement bien coordonnés que, lors même
quon négligerait les mouvements lents et
les mouvements vifs, quon agirait avec
précipitation, sans donner aux membres tout leur
développement, sans bien joindre les jambes, on
nagerait cependant, pourvu que les mouvements
fussent seulement dessinés. Ce qui est
indispensable, cest quon les exécute
dans lordre prescrit. Point capital :
que les talons se rapprochent des fesses pendant
que les bras décrivent leur demi-cercle.
- Tous les mouvements ont été
décrits et expliqués sans presque tenir compte
des pieds et des mains ; ce nest pas
que ce ne soient de puissants auxiliaires. Ce
sont les pieds qui donnent une si grande
puissance au coup de jarret, et sans les mains la
brasse perd la moitié de sa force ; mais
leur manuvre noffre pas de
difficulté.
- On reconnaît un bon nageur à
lécart des jambes, à la manière dont
elles se joignent, à lamplitude du cercle
des bras et au calme avec lequel les mouvements
se font.
- Le mauvais nageur nage sous lui,
il nose étendre les bras, les jambes ne se
joignent pas après le coup de talon ; les
mouvements sont précipités, il se fatigue sans
résultat. Tout nageur peut devenir habile en
sexerçant à sec suivant la méthode.
- Si faciles que soient les
mouvements à sec sur le dos, les mouvements dans
leau sont bien moins fatigants encore, le
corps ne pesant presque rien dans cet élément.
Que la fatigue ne rebute donc personne et
quon ne croie pas quil soit pénible
de nager.
- Toute personne peut apprendre,
nimporte le sexe ou lâge, du moment
que les jambes ont assez de souplesse pour que,
étant debout, on puisse amener chaque talon
au-dessus du mollet opposé.
- Conseils aux nageurs
- Éviter toujours les endroits
dangereux, surtout dans les commencements.
- Ne pas plonger sans connaître le
fond. En plongeant songer à revenir assez tôt
à la surface pour respirer.
- Dans les tourbillons, se laisser
entraîner au fond et quand on revient à la
surface, se dégager par un mouvement vigoureux.
- Ne jamais se mettre à leau
avant que la digestion soit achevée, trois
heures au moins après le repas. Se déshabiller
lentement, attendre quune douce fraîcheur
se fasse sentir avant dentrer dans
leau et alors sy plonger résolument
tout entier.
- Ne pas prolonger le bain outre
mesure, se rhabiller promptement et marcher.
- Le meilleur moment pour le bain
est de sept à huit heures du matin ; mais
on peut se baigner à toute heure de la journée.
- Cest une erreur de croire
quil est mauvais de se baigner pendant la
canicule ; mais il est malsain de le faire
dans des eaux stagnantes ou remplies
dherbes aquatiques. La mer et les eaux
courantes aux fonds sablonneux, voilà où il
faut prendre ses ébats.
- Si on a une rivière dune
certaine largeur à traverser, choisir le point
où lon veut aborder, et, si cest
possible, sarranger pour y être porté par
le courant. Dans tous les cas, manuvrer de
manière à arriver plutôt au-dessus
quau-dessous du point choisi.
- Secourir une personne en danger de
se noyer
- Toute personne en danger de se
noyer saisit convulsivement tout ce qui est à sa
portée. Lorsque cest possible, le moyen le
plus simple de la sauver consiste donc à lui
jeter le bout dune corde, lui tendre une
perche ou tout autre objet dont elle puisse
semparer.
- Si le sauveteur se jette à
leau, il doit éviter de se laisser saisir,
car il sexposerait à périr avec la
personne quil veut sauver. Il
sarrangera pour la prendre par derrière et
sous les aisselles, la poussera en avant en la
soutenant : labandonnera, sil
est trop fatigué, pour la reprendre ensuite, et
lamènera peu à peu vers le point le plus
favorable.
- Si on a quelquun de robuste
à sauver, il vaudra souvent mieux attendre
quil ait perdu le sentiment.
- Si on est saisi par la personne
qui se noie, on glisse ses doigts sous
lextrémité des siens, on les ouvre par un
mouvement brusque et rapide, et on
séloigne vivement. On se dégage aussi en
plongeant : la personne en péril vous
abandonne alors delle-même.
- Au reste, un sauvetage est
toujours une opération très périlleuse qui
exige autant de courage que de force et
dadresse.
- Premier soins a donner aux noyÉs
- En attendant larrivée du
médecin quon doit mander en toute hâte,
on sempresse de déshabiller le noyé, on
lessuie avec des linges chauds, on
lenveloppe avec des couvertures de laine,
on le place sur un matelas, couché sur lun
ou sur lautre côté alternativement, la
tête et le corps légèrement élevés.
- On le réchauffe avec précaution
devant un feu clair ; si la température est
fraîche on doit éviter de le faire passer
brusquement à une température plus élevée.
- Si on le peut, on entrouvre
la bouche, on la nettoie ; on cherche à
établir la respiration en comprimant doucement
et par intervalles le bas-ventre et les côtes.
On lui agite les bras de bas en haut.
- On applique sa bouche sur celle du
noyé pour simuler la respiration.
- Si des efforts indiquent le besoin
de vomir, on les seconde en chatouillant le fond
de la bouche avec les barbes dune plume.
- Si ces moyens ne suffisent pas, on
ne doit pas se décourager, mais se rappeler que
des noyés nont donné signe de vie
quaprès six heures de soins constants.
- La rigidité cadavérique
nest pas une preuve certaine de mort, la
putréfaction seule est irrécusable.
- On continue donc par des frictions
sur le ventre, la poitrine, lépine
dorsale, les cuisses, en se servant de morceaux
de laine chauffés ; ou bien on promène des
fers, chauffés comme pour le linge, sur ces
diverses parties du corps, mais par-dessus la
couverture.
- On frotte légèrement avec une
brosse la plante des pieds et le creux des mains.
- On lotionne tout le corps avec de
lalcool camphré, on en fait respirer au
noyé.
- On brûle du vinaigre sur une
pelle rougie.
- On ne laisse pas le local
encombré de curieux qui vicient lair.
- Si cest pendant
lhiver, que le corps soit couvert de
glaçons, on le plonge dans un bain deau
froide quon chauffe peu à peu
jusquà vingt degrés.
- Lorsque le noyé a recouvré ses
sens, mais pas avant, on lui donne un petit verre
deau sucrée chaude, contenant moitié de
bonne eau-de-vie.
- On le couche dans un lit bien
chaud et on le laisse reposer tout en le veillant
avec soin.
-
- Sous-lieutenant Jean-Pierre
Brisset, 1870.
|