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Jean-Pierre Brisset
La Natation ou l'art de nager.
 
La natation est l’art de se mouvoir dans l’eau.
Malgré tous les traités qui ont été publiés sur cet art, la natation n’est encore aujourd’hui que l’apanage du petit nombre. Cela tient à ce qu’on n’a pas su mettre à la portée de toutes les intelligences et de toutes les bourses des méthodes simples et claires, permettant d’apprendre, en peu de temps, sans fatigue et sans efforts.
Si ce petit traité peut devenir populaire, tout le monde saura bientôt nager, excepté ceux qu’un naturel indolent rend ennemis de tout mouvement. Il n’est pas besoin de gros volumes pour apprendre un art qui ne consiste qu’en quelques mouvements coordonnés.
Les plaisirs que donne la natation, les services qu’elle peut rendre ne sont mis en doute par personne.
Tout le monde a le plus grand désir de savoir nager, mais l’on croit volontiers que c’est difficile, ou qu’il faut apprendre de jeunesse.
Ce sont là deux erreurs. On peut apprendre facilement à tout âge.
D’autres prétendent qu’il suffit de n’avoir pas peur. Cela prouve que la majeure partie des nageurs nagent sans bien savoir comment.
Dire que la peur empêche l’homme de nager, c’est le prendre pour le plus timide des êtres vivants.
Le cheval, si facile à effrayer, et tant d’autres animaux redoutant l’eau, nagent lorsqu’on les force d’y entrer.
Mais que l’homme le plus brave et le plus hardi, ignorant de la natation, soit mis dans un bassin d’eau de douze décimètres de profondeur, il pourra bien se débattre avec vigueur, se coucher dans l’eau et y disparaître un moment, mais il ne nagera pas. Un grand nombre de marins ne savent pas nager : est-ce la peur de l’eau qui les en empêche ?
Quant à ce que beaucoup d’enfants apprennent naturellement quand ils vont souvent se baigner, au lieu d’en déduire qu’on ne peut apprendre que de jeunesse, on devrait en conclure que ce ne doit pas être difficile.
Jusqu’à présent, ceux qui ont écrit sur la natation devaient être des nageurs de jeunesse qui n’avaient pas été aux prises avec les mille difficultés qui se présentent à l’élève d’un âge mûr, ou qui, les ayant oubliées, ont écrit en nageurs pour des gens sachant déjà.
Ainsi, par exemple, pour faire la brasse, moyen général et le plus simple de nager, tous les traités indiquent comme point de départ les talons rapprochés, les coudes au corps. Or cette position est la meilleure que l’on puisse prendre pour aller au fond.
Quand l’élève est dans l’eau, s’il veut prendre cette position, il commence par placer les bras, ensuite il rapproche les talons des fesses, mais à mesure qu’il les rapproche il s’enfonce ; il recommence, le même effet se reproduit. Alors il se décourage et renonce souvent à ce qu’il désirait tant.
 
ExposÉ de la mÉthode
 
La plus grande cause que peu d’adultes apprennent à nager, vient de ce qu’on veut leur donner les leçons dans l’eau. Outre que les écoles de natation et les maîtres sont en petit nombre, à cause de la morte saison, tout le monde ne peut se payer un professeur, et, dans ce cas, la crainte naturelle que l’eau inspire ne permet pas à l’élève de bien se rendre compte des mouvements qu’on lui fait faire.
Comment exécuter ce qu’on ne comprend pas ?
La natation est un duel continuel avec un élément qui n’attend qu’une faute de qui le brave pour l’engloutir.
Ce n’est pas sur le terrain qu’on apprend à manier une épée.
On doit de même savoir nager avant d’aller à l’eau.
Les armes de la natation sont les jambes et les bras. Quand ces membres sauront ce qu’ils ont à faire, ils sont trop intéressés à la conservation du corps pour le laisser noyer.
Aussi les nageurs qui veulent se suicider par ce moyen sont-ils obligés de s’attacher une pierre au cou.
L’idée d’apprendre les mouvements de la natation avant d’aller à l’eau, quoique peu connue, n’est pas nouvelle ; mais jusqu’à présent on a fait exécuter ces mouvements debout ou sur le ventre.
Le premier moyen ne peut former un nageur, le second rebute dès le premier essai.
D’après cette méthode, les exercices se font sur le dos ; la brasse se commence le corps développé au lieu d’être raccourci.
Ce sont là les deux points essentiels.
La théorie de la natation y a aussi un développement qu’on ne trouve pas dans les traités élémentaires.
En exécutant les mouvements sur le dos on évite la gêne et la fatigue insupportables que l’on éprouve lorsque le poids du corps porte en entier sur la poitrine, ce qui suffit pour décourager l’élève.
Par ce moyen on n’a besoin ni de tabourets, ni de pliants. Les yeux voient le mouvement des membres. On comprend ce que l’on fait.
Prescrire la position raccourcie, comme point de départ, c’est commencer par la difficulté.
La position développée est celle que le corps garde le plus longtemps dans l’eau. Le nageur prend confiance dès le premier mouvement.
N’est-ce pas toujours par la brasse que les enfants s’habituent à nager ? On nage le corps développé et non raccourci. Pour se tenir un instant raccourci, il faut déjà savoir nager.
Qu’objectera-t-on à cette méthode ?
Qu’on ne nage pas sur le dos ? mais, tout le monde sait le contraire. Les mouvements des jambes, les seuls qui présentent une certaine difficulté, sont absolument les mêmes d’une manière comme de l’autre.
Qu’il faut faire à sec sur le ventre, ce qui doit se faire ainsi dans l’eau ? L’objection ne vaut rien, car lorsqu’on sait exécuter les mouvements natatoires d’une façon, rien n’empêcherait de les exécuter autrement, si c’était nécessaire. La seule chose importante, c’est de savoir. Le seul moyen n’y fait rien ; le meilleur, c’est le plus simple, le plus commode et le moins coûteux.
Nager n’est pas naturel. Cela présente deux difficultés :
Faire agir les jambes ;
Coordonner les mouvements des jambes avec ceux des bras.
La première difficulté est évidente ; il est facile de comprendre la seconde : étant assis, on fait toucher les talons, ou tout simplement les genoux ; on place les mains au-dessus, se faisant face et écartées de trente centimètres environ. Dans cette position, on fait toucher les mains en même temps qu’on écarte les genoux, ou les talons, puis on ferme les genoux, en même temps qu’on écarte les mains.
En faisant cela, on s’aperçoit tout de suite que les mains et les genoux, ou mieux les bras, tendent à s’écarter et à se rapprocher en même temps.
Or, dans la natation, les jambes doivent se rapprocher quand les bras s’écartent, les mains se joindre quand les talons se séparent et vice versa.
Il faut donc devenir maître de cette tendance naturelle des membres et habituer les jambes à agir comme elles doivent le faire dans l’eau. C’est ce que l’on obtient en répétant l’exercice suivant, qui comprend les trois mouvements du nageur.
ThÉorie des mouvements natatoires
On se couchera sur le dos soit sur le gazon, soit sur un tapis, un lit, etc. L’important est que les membres ne soient gênés par aucun obstacle.
On prendra la position suivante :
Position de départ : les bras allongés de toute leur longueur au-dessus de la tête, les mains ouvertes et se touchant par le plat ou la paume. Les doigts réunis, le pouce collé au premier doit. Les jambes allongées et écartées autant que possible, les jarrets tendus, la pointe des pieds en dehors.
Premier mouvement : rapprocher les jambes l’une de l’autre, les jarrets tendus, les genoux et les talons se touchant, les pieds ouverts. Écarter en même temps les mains de quinze à vingt centimètres en tournant la paume en dehors.
Deuxième mouvement : décrire lentement un demi-cercle avec les bras et lorsqu’ils sont tendus en croix (fig. 3), rapprocher les coudes près du corps, un peu en avant (fig. 4), réunir les mains dont les paumes viennent se toucher, les pouces en avant, les bras relevés, les doigts à hauteur de la bouche (fig. 5). Pendant que les bras décrivent leur demi-cercle, ployer lentement les jambes en écartant les genoux autant que possible, la pointe des pieds baissée, les talons se touchant toujours et les amener aussi près des fesses que faire se pourra .
Troisième mouvement : allonger vigoureusement les jambes en écartant les talons pour revenir à la position de départ. Allonger en même temps les bras sans précipitation .
Continuer ainsi, les jambes et les bras plus ou moins soulevés pour les mouvements. Aussitôt qu’on éprouve un peu de fatigue, on s’arrête un instant pour reprendre ensuite.
 
RÉpétitions de l’exercice
 
On répétera cet exercice six cents fois ; trois cents fois tel qu’il vient d’être décrit, et trois cents fois en faisant seulement fonctionner les jambes, les bras au repos. On y consacrera deux séances par jour, le matin et le soir de préférence, étant déshabillé.
A chaque séance on répétera l’exercice vingt-cinq fois de chaque manière.
Chaque séance demande moins de cinq minutes.
Or, tout le temps à y consacrer est de moins d’une heure.
Il est indispensable d’y mettre quelques jours pour que le corps s’habitue peu à peu à ces mouvements et arrive à les exécuter machinalement. Cependant ceux qui auront hâte de savoir pourront doubler les exercices et apprendre en trois jours.
On donne un nombre d’exercices à faire, car il ne suffit pas de savoir comment on fait ; il faut savoir faire et bien faire.
Comme, en résumé, cela demande peu de temps, il sera bon de ne pas se baigner avant d’avoir achevé les exercices à sec, car si on constate qu’on nage un peu, on les négligera, et si on n’a pas fait de progrès, on se découragera.
Bien que le nombre d’exercices donné soit généralement plus que suffisant et que le succès soit assuré à celui qui les fera tous, il doit cependant être considéré comme un minimum. Les personnes faibles, peu habiles et celles qui ne se sentiront pas encore assez au courant, feront bien de les continuer quelques jours de plus. Ce ne sera jamais perdu. Ces mouvements ont l’avantage de développer les membres, de leur donner de la force et de la souplesse. On nagera d’autant mieux qu’on les fera plus aisément.
Avant chaque répétition il sera bon de relire la théorie des mouvements, de crainte d’oublier quelque chose d’important.
Du dÉpart dans l’eau
Les exercices à sec étant achevés, le nageur ira à l’école de natation ; à défaut d’établissement de bains, il choisira un endroit où l’eau soit peu courante, en un mot, un endroit pas dangereux et qui offre un espace assez grand pour s’y exercer sans perdre pied.
Il marchera hardiment jusqu’à ce qu’il ait de l’eau jusqu’à la poitrine ; puis, se tournant vers la rive, il prendra debout la position de départ. Il se couchera sur l’eau, sur le ventre, bien entendu, la tête un peu relevée. Quand les mains toucheront l’eau, il rapprochera les jambes, écartera les bras et leur fera décrire un grand demi-cercle tout en rapprochant les talons des fesses et il continuera lentement l’exercice comme sur son lit.
S’il ne trouve pas un endroit sûr pour les premiers exercices dans l’eau, il se fera attacher par les épaules et la poitrine au moyen d’une corde dont quelqu’un tiendra le bout, afin d’être soutenu et retiré au besoin.
Mais s’il a bien fait tous les exercices prescrits, cela sera bientôt inutile, car il sentira aussitôt qu’il sait nager.
Toutefois il ne devra pas faire d’imprudence et, pour devenir un bon nageur, il devra prendre l’habitude d’aller souvent se baigner.
ThÉorie de la natation
Le corps humain est d’une densité à peu près égale à celle de l’eau.
Si on voulait plonger brusquement un homme dans l’eau, on serait obligé d’appuyer dessus fortement, laissé à lui-même il s’enfoncerait lentement.
L’eau est un liquide plus dense, plus lourd à mesure que l’on y descend.
Si on jette un bâton sur l’eau, il s’arrêtera à la surface. Si on le saisit par le milieu et qu’on veuille l’enfoncer, il faudra un certain effort, il faudra peser dessus.
L’effort achevé, si on laisse le bâton libre, il revient naturellement sur l’eau, mais si on veut le retirer brusquement l’eau, au lieu de le repousser, semble le retenir.
Si l’on agite ce bâton horizontalement entre deux eaux, on éprouvera une certaine résistance et il aura une tendance continuelle à revenir à la surface.
Cette résistance et cette tendance seront d’autant plus fortes qu’on l’agitera plus vivement. C’est par la même raison qu’une pierre jetée à l’eau d’une certaine façon, en ressort et fait des ricochets.
Ainsi, un corps un peu moins dense que l’eau, le bâton, par exemple, ne s’enfonce que si on appuie dessus, et il revient naturellement à la surface, mais lentement. Un corps agité horizontalement dans l’eau tend à revenir dessus, et même à en sortir, comme le caillou.
Donc l’eau n’offre presque pas de résistance aux mouvements lents ; mais elle en offre une très grande aux mouvements vifs et rapides.
C’est là une simple remarque qui aidera à comprendre comment et pourquoi on nage.
Le bassin et la tête sont les seules parties du corps humain qui soient un peu plus denses, plus lourdes que l’eau. La poitrine et les membres peuvent être assimilés au bâton : ils ne s’enfoncent que si on appuie dessus, et ils reviennent naturellement sur l’eau, en tant que le bassin et la tête ne les en empêchent pas.
Pour se soutenir sur l’eau, il faut donc mettre de la force dans les mouvements qui la refoulent, et laisser les membres revenir lentement à leur position d’impulsion.
Or, c’est ce qui arrive en effet : comme on le démontrera plus loin, le mouvement de rapprocher les jambes soulève le corps. A ce moment les mains se séparent et aussitôt les bras décrivent leur demi-cercle et tendent à sortir de l’eau où le poids du corps les maintient. Dans ce mouvement, les mains appuient de haut en bas et d’avant en arrière.
Le mouvement de rapprocher les coudes et les mains soutient aussi le corps, mais ne le fait plus avancer ; il se fait assez vivement, car on sent qu’on va enfoncer, et avant de détendre les jambes, il faut que les mains soient réunies.
On ne porte pas les bras en arrière, car leur impulsion ne serait plus assez forte pour soutenir la tête qui plongerait. On rapproche les mains, le bord supérieur en avant, de manière à toujours appuyer sur l’eau. On rapproche les coudes pour donner moins de surface aux bras lorsqu’ils se portent en avant.
Pendant que les bras servent à soutenir et à faire avancer le corps, les talons se rapprochent lentement des fesses, lentement, car si on y mettait de la force, les cuisses présentent une assez grande surface, l’effort que ce mouvement nécessiterait nuirait à la traction des bras. C’est aussi pour diminuer les surfaces de résistance qu’il est bon de baisser la pointe des pieds.
On allonge vigoureusement les jambes, car plus ce mouvement est vif, plus la résistance de l’eau est grande et plus forte est l’impulsion qui en résulte. C’est pour nuire le moins possible à cette impulsion qu’on allonge les bras sans précipitation : on diminue aussi la résistance des épaules, en renfonçant un instant la tête dans l’eau.
En rapprochant les talons des fesses, on écarte les genoux, car les cuisses réunies offriraient une plus grande résistance que séparées ; et, si ensuite en les allongeant on voulait les écarter, on annulerait leur impulsion, le corps s’enfoncerait ; si on voulait nager les jambes jointes, on perdrait la force que l’on obtient, lorsqu’on les rapproche après les avoir déployées.
Ainsi donc, fermer les jambes porte le corps en avant, les ouvrir le porte en arrière et d’après leur direction vers le fond de l’eau.
Les mouvements des jambes sont très importants.
C’est dans les jambes qu’est la natation.
C’est pour cela qu’on doit leur faire exécuter plus d’exercices à sec qu’aux bras dont les mouvements sont faciles.
On peut quelquefois, dans ces exercices, s’aider des mains pour obliger les talons à se rapprocher des fesses, et les genoux à s’écarter. On garde un moment cette position forcée.
Pour bien comprendre le mouvement des jambes, on suppose deux planchettes réunies à un bout par une charnière vers le milieu. Le tout pouvant se ployer et se tendre au moyen d’attaches. cela donne la forme d’un grand compas dont chaque branche peut se plier en deux.
C’est là aussi une figure de nos jambes : chaque planchette en représente une ; les charnières sont les genoux.
Si on se place debout dans l’eau jusqu’à la poitrine, et qu’on s’appuie sur l’estomac, la charnière du milieu, les planchettes tendues en avant et écartées, et que, dans cette position, on veuille les rapprocher l’une contre l’autre, on se sentira rejeter en arrière et d’autant plus fort qu’elles seront plus écartées et qu’on agira plus vigoureusement. A l’inverse, étant fermées, si on veut les ouvrir, on sera porté en avant.
Par quel moyen arrivera-t-on à les ouvrir sans être porté en avant ?
Si on écarte les charnières représentant les genoux, les bouts représentants les talons restant joints, et qu’on le fasse avec une certaine lenteur, on éprouvera fort peu d’entraînement. Arrivé à une ouverture à peu près égale à celle qu’un nageur peut donner à ses jambes, si on fait tendre vivement les planchettes, les parties représentant les cuisses ne bougeant pas, on sera de nouveau rejeté en arrière ; mouvement qui se continuera si, ainsi qu’on l’a montré, on rapproche les planchettes.
Or, ce sont bien là les mouvements que les jambes exécutent : mouvements très justes, très rationnels, mais non pas naturels.
On peut faire cette expérience avec les bras. Mais en les fermant, il ne faut pas trop rapprocher les mains, car les bras ne se joignent pas aux épaules de la même manière que les cuisses.
Il est inutile de dire que le nageur est porté en avant, quand l’expérimentateur est poussé en arrière ; qu’il le serait en arrière et vers le fond dans le cas contraire, si en ce moment les bras ne l’entraînaient, par une force supérieure, dans la direction opposée. On remarquera que les bras entraînent le corps et que les jambes, placées derrière doivent le pousser. Les jambes manœuvrent donc d’une manière opposée aux bras ; elles agissent en se rapprochant et les bras en s’écartant.
On voit encore que tous les mouvements du nageur refoulent l’eau en arrière et en dessous, excepté : rapprocher les talons des fesses, allonger les bras et séparer les mains. Ces derniers refoulent l’eau en avant seulement, la compression de l’eau suffisant pour les porter vers le haut.
Pour atténuer la résistance de l’eau il faut, pour ces mouvements, agir lentement, car on éprouve peu de fatigue à agiter un bâton dans l’eau si on le fait lentement.
On remarquera aussi qu’avant que les bras aient achevé leur action, les jambes sont déjà prêtes à commencer la leur, et que les bras sont également prêts bien avant que l’impulsion des jambes soit terminée. Le nageur ayant toujours ainsi une réserve ne peut être surpris.
Les mouvements de la natation sont tellement bien coordonnés que, lors même qu’on négligerait les mouvements lents et les mouvements vifs, qu’on agirait avec précipitation, sans donner aux membres tout leur développement, sans bien joindre les jambes, on nagerait cependant, pourvu que les mouvements fussent seulement dessinés. Ce qui est indispensable, c’est qu’on les exécute dans l’ordre prescrit. Point capital : que les talons se rapprochent des fesses pendant que les bras décrivent leur demi-cercle.
Tous les mouvements ont été décrits et expliqués sans presque tenir compte des pieds et des mains ; ce n’est pas que ce ne soient de puissants auxiliaires. Ce sont les pieds qui donnent une si grande puissance au coup de jarret, et sans les mains la brasse perd la moitié de sa force ; mais leur manœuvre n’offre pas de difficulté.
On reconnaît un bon nageur à l’écart des jambes, à la manière dont elles se joignent, à l’amplitude du cercle des bras et au calme avec lequel les mouvements se font.
Le mauvais nageur nage sous lui, il n’ose étendre les bras, les jambes ne se joignent pas après le coup de talon ; les mouvements sont précipités, il se fatigue sans résultat. Tout nageur peut devenir habile en s’exerçant à sec suivant la méthode.
Si faciles que soient les mouvements à sec sur le dos, les mouvements dans l’eau sont bien moins fatigants encore, le corps ne pesant presque rien dans cet élément. Que la fatigue ne rebute donc personne et qu’on ne croie pas qu’il soit pénible de nager.
Toute personne peut apprendre, n’importe le sexe ou l’âge, du moment que les jambes ont assez de souplesse pour que, étant debout, on puisse amener chaque talon au-dessus du mollet opposé.
Conseils aux nageurs
Éviter toujours les endroits dangereux, surtout dans les commencements.
Ne pas plonger sans connaître le fond. En plongeant songer à revenir assez tôt à la surface pour respirer.
Dans les tourbillons, se laisser entraîner au fond et quand on revient à la surface, se dégager par un mouvement vigoureux.
Ne jamais se mettre à l’eau avant que la digestion soit achevée, trois heures au moins après le repas. Se déshabiller lentement, attendre qu’une douce fraîcheur se fasse sentir avant d’entrer dans l’eau et alors s’y plonger résolument tout entier.
Ne pas prolonger le bain outre mesure, se rhabiller promptement et marcher.
Le meilleur moment pour le bain est de sept à huit heures du matin ; mais on peut se baigner à toute heure de la journée.
C’est une erreur de croire qu’il est mauvais de se baigner pendant la canicule ; mais il est malsain de le faire dans des eaux stagnantes ou remplies d’herbes aquatiques. La mer et les eaux courantes aux fonds sablonneux, voilà où il faut prendre ses ébats.
Si on a une rivière d’une certaine largeur à traverser, choisir le point où l’on veut aborder, et, si c’est possible, s’arranger pour y être porté par le courant. Dans tous les cas, manœuvrer de manière à arriver plutôt au-dessus qu’au-dessous du point choisi.
Secourir une personne en danger de se noyer
Toute personne en danger de se noyer saisit convulsivement tout ce qui est à sa portée. Lorsque c’est possible, le moyen le plus simple de la sauver consiste donc à lui jeter le bout d’une corde, lui tendre une perche ou tout autre objet dont elle puisse s’emparer.
Si le sauveteur se jette à l’eau, il doit éviter de se laisser saisir, car il s’exposerait à périr avec la personne qu’il veut sauver. Il s’arrangera pour la prendre par derrière et sous les aisselles, la poussera en avant en la soutenant : l’abandonnera, s’il est trop fatigué, pour la reprendre ensuite, et l’amènera peu à peu vers le point le plus favorable.
Si on a quelqu’un de robuste à sauver, il vaudra souvent mieux attendre qu’il ait perdu le sentiment.
Si on est saisi par la personne qui se noie, on glisse ses doigts sous l’extrémité des siens, on les ouvre par un mouvement brusque et rapide, et on s’éloigne vivement. On se dégage aussi en plongeant : la personne en péril vous abandonne alors d’elle-même.
Au reste, un sauvetage est toujours une opération très périlleuse qui exige autant de courage que de force et d’adresse.
Premier soins a donner aux noyÉs
En attendant l’arrivée du médecin qu’on doit mander en toute hâte, on s’empresse de déshabiller le noyé, on l’essuie avec des linges chauds, on l’enveloppe avec des couvertures de laine, on le place sur un matelas, couché sur l’un ou sur l’autre côté alternativement, la tête et le corps légèrement élevés.
On le réchauffe avec précaution devant un feu clair ; si la température est fraîche on doit éviter de le faire passer brusquement à une température plus élevée.
Si on le peut, on entr’ouvre la bouche, on la nettoie ; on cherche à établir la respiration en comprimant doucement et par intervalles le bas-ventre et les côtes. On lui agite les bras de bas en haut.
On applique sa bouche sur celle du noyé pour simuler la respiration.
Si des efforts indiquent le besoin de vomir, on les seconde en chatouillant le fond de la bouche avec les barbes d’une plume.
Si ces moyens ne suffisent pas, on ne doit pas se décourager, mais se rappeler que des noyés n’ont donné signe de vie qu’après six heures de soins constants.
La rigidité cadavérique n’est pas une preuve certaine de mort, la putréfaction seule est irrécusable.
On continue donc par des frictions sur le ventre, la poitrine, l’épine dorsale, les cuisses, en se servant de morceaux de laine chauffés ; ou bien on promène des fers, chauffés comme pour le linge, sur ces diverses parties du corps, mais par-dessus la couverture.
On frotte légèrement avec une brosse la plante des pieds et le creux des mains.
On lotionne tout le corps avec de l’alcool camphré, on en fait respirer au noyé.
On brûle du vinaigre sur une pelle rougie.
On ne laisse pas le local encombré de curieux qui vicient l’air.
Si c’est pendant l’hiver, que le corps soit couvert de glaçons, on le plonge dans un bain d’eau froide qu’on chauffe peu à peu jusqu’à vingt degrés.
Lorsque le noyé a recouvré ses sens, mais pas avant, on lui donne un petit verre d’eau sucrée chaude, contenant moitié de bonne eau-de-vie.
On le couche dans un lit bien chaud et on le laisse reposer tout en le veillant avec soin.
 
Sous-lieutenant Jean-Pierre Brisset, 1870.
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