Elle avait la taille assez belle,
Si, plus chiche de son devant,
On ne la gâtait pas comme on fait souvent :
LAmour est, nuit et jour, auprès ou dessus elle.
Si jen veux croire les railleurs,
Elle a fort peu de cheveux à la tête ;
Les sujets quon en dit ne sont pas des meilleurs !
Ce nest pas bien lendroit par où jai vu la bête ;
Mais elle en a beaucoup ailleurs,
Car elle est souvent arrosée
De la plus douce des liqueurs,
Et ma plume est coupable autant quelle est osée.
Son front, où sont assis la mollesse et lardeur,
A quelque chose dadmirable :
Cest quon y voit jamais paraître la pudeur
Ni la sagesse désirable.
Elle a les yeux dune truie,
Ce sont les plus petits dici,
Elle doit les avoir ainsi,
Puisquelle mène pareille vie.
Son nez passerait au besoin,
Sil pouvait sentir de plus loin
Ce qui regarde sa conduite ;
Quand on le voit, on ne prend pas la fuite,
Mais on le prend à témoin
Du malheureux état où son âme est réduite.
Elle a des couleurs sur les joues
Qui représentent le printemps ;
Ce sont les dangereuses roues
De tous les criminels du temps.
Je méprise son sein, je le trouve mal fait ;
Il ne consiste plus, son enflure est mollette,
Il distille la gouttelette,
Cest un bien de ménage où lon puise à souhait ;
Cest pourquoi le marquis du Grand-Pérou la traite
Comme on traite une vache à lait.
Son bras est aussi blanc que rond,
Cest une espèce de merveille,
Et le cur ne va que par bond
Quand lil en voit la beauté nonpareille.
La comtesse nignore pas
La richesse de cet appas,
Elle ne doute point quil ne soit sans reproche ;
La friande voudrait que tout ce qui lapproche
Fût de même que son bras.
Sa main nest pas moins bien formée ;
On croit, en la touchant, manier du satin ;
Aussi lobjet le plus mutin
Voit passer sa fureur ainsi quune fumée,
Quand la comtesse à main armée
Combat le soir ou le matin
Si mon âme avait la blancheur
De son aimable corps divoire,
Ce serait un ange de gloire,
Au lieu que le démon nest pas si grand pécheur.
Pour ses pieds, ce sont deux créoles
Robustes à la vérité,
Mais toujours pleins de saletés,
Et dans ma libéralité
Je nen donnerais pas seulement deux oboles.
A tout ceci doit être joint
Quelle a pour le plaisir une fort bonne couche.
Si je ne dis rien de sa bouche,
Lecteur, cest quelle nen a point.